L'UDF ou le parti "libre" (Edito 26)
Note de l'équipe de rédaction : notre lettre hebdomadaire est un outil d'analyse. Ses rédacteurs ont des ancrages partisans personnels particulièrement diversifiés. Le but de cette lettre hebdomadaire c'est de sortir d'un piège intellectuel trop répandu qui consiste à croire plutôt que de chercher à comprendre. Notre effort consiste donc d'abord à chercher à comprendre. C'est pourquoi, certaines rubriques peuvent paraître critiques. Ce sentiment résulte de notre approche analytique et non pas d'un parti pris partisan qui n'est le nôtre en aucune manière. Ce préalable s'imposait pour éviter tout malentendu sur la tribune suivante.
Le dernier Congrès extraordinaire de l'UDF a officialisé la rupture avec la majorité parlementaire UMP.
A l'approche d'une période électorale intense, cette annonce aurait du constituer un évènement politique de première importance. Et pourtant, cet acte a été banalisé dans des conditions assez étonnantes.
A quoi tient cette banalisation ?
Trois facteurs expliquent cette situation paradoxale.
Tout d'abord, un parti politique existe aujourd'hui d'abord en fonction de sa capacité à porter l'un des siens à l'Elysée. Or, le leader de l'UDF, François Bayrou, ne décolle pas dans les sondages pour crédibiliser une présence au second tour présidentiel. Il convainc mais il ne séduit pas. Ses possibilités politiques deviennent très réduites.
Dans une météorologie politique, il lui manque les deux qualités indispensables :
- la faculté de créer l'orage,
- la faculté d'installer le soleil.
En effet, François Bayrou ne paraît être en situation ni de créer l'échec ni de créer la victoire.
Il s'est satellisé dans un autre univers. Celui d'une "autre division" de second ordre qui proteste, qui analyse, qui commente mais qui ne fait pas le pouvoir ni présent ni futur.
Le jeu moderne du pouvoir ne connaît pas ce positionnement.
François Bayrou est devenu un acteur du "divertissement politique" mais pas un acteur du "pouvoir politique".
Quand un parti politique ne compte pas un présidentiable crédible, il est désormais réduit à l'allégeance ou à l'hostilité.
A maints égards, François Bayrou parait devenu un "Michel Jobert" des temps modernes. Michel Jobert avait créé dans les années 70 le "mouvement des démocrates".
Esprit particulièrement brillant, il s'estimait porteur d'une certaine vérité et d'un comportement juste refusant une approche manichéenne de la vie politique. Cet "ailleurs" n'a jamais existé.
Ensuite, second facteur de faiblesse, que recouvre aujourd'hui réellement l'UDF comme courant de pensées ?
La filiation dominante existe-t-elle avec l'ex Parti Républicain ou l'ex Centre des Démocrates Sociaux ?
Bien davantage, la terminologie UDF renvoie d'abord à l'approche de Valéry Giscard d'Estaing. L'analyse fondatrice repose notamment sur l'émergence d'un "nouveau centre sociologique" qui correspondait à une analyse possible dans les années 70 mais désormais déconnectée des réalités. La base conceptuelle de ce parti est donc difficilement identifiable.
Enfin, dernier facteur de difficulté, quel est le pouvoir d'évocation populaire de ce parti ?
Derrière ce terme se profile une question simple :où est la "promesse d'offre" qui peut justifier un vote ou un engagement en son sein ?
Ceux qui se reconnaissent dans un clivage binaire (droite/gauche) ne se retrouvent pas dans son approche. Ceux qui veulent d'abord partager le destin présidentiel d'un leader "providentiel" ne trouvent pas le charisme nécessaire ni les promesses de résultats électoraux.
Ceux qui vivent leurs votes par et pour la protestation ne retrouvent dans le programme UDF ni la matière nécessaire sur les enjeux majeurs ni l'historique de combats emblématiques.
Ces trois facteurs signifient que, sans rebondissement majeur et rapide pour convaincre d'un nouvel ancrage clair, la logique à terme de l'UDF paraît de nature à l'inscrire dans un espace de plus en plus réduit et anticiper de réelles questions de survie.