Le communautarisme (Discours 44)
Pendant longtemps notre pays fut appelé "la grande nation". Cette qualification faisait non seulement référence aux valeurs universelles portées par certains de nos idéaux mais aussi à la reconnaissance internationale d'une tradition d'Etat protecteur qui procurait un paternalisme multiplicateur d'aides diverses. Ce qualificatif recouvrait aussi une réalité démographique.
Pendant toute une période, la France a été le pays le plus peuplé d'Europe. La situation d'avant le 19ème siècle tranche significativement avec la période postérieure.
Au début du 20ème siècle, la situation devint catastrophique. La France est alors devenue un grand pays d'immigration.
En 1920, elle fut le 1er pays d'immigration au monde. Des millions de polonais, d'italiens, d'espagnols...affluèrent pour travailler en France.
Au lendemain de la seconde guerre mondiale et en dépit de mesures manifestement natalistes, le besoin d'immigration était toujours aussi présent. Pour soutenir le développement industriel du lendemain de la Libération, il fallut de nouveau recourir à l'immigration de façon massive. A partir de 1955, de nouvelles nationalités arrivèrent : portugais puis surtout habitants des pays d'Afrique du Nord récemment décolonisés.
Cette dernière vague répondant notamment à des caractéristiques religieuses autres que le catholicisme posa rapidement des problèmes d'intégration.
Ces difficultés ont été considérablement accrues par une immigration clandestine portée par la réputation ancienne de la France comme exemple d'Etat protecteur garant d'allocations diverses et tolérantes.
Cette réalité n'a pas été reconnue par les pouvoirs politiques qui ont toujours refusé de voir la France comme composée de groupes d'immigrants et de descendants d'immigrants dotés de repères et de valeurs spécifiques.
La France s'est toujours voulue assimilationniste. Elle n'accepte pas d'étrangers en France. Les communautés ethniques et culturelles étrangères sont supposées se fondre dans son modèle culturel. Certes, il est possible de rester fidèle à ses origines mais dans un cadre privé.
Cette tendance assimilationniste veut aussi que l'histoire de France devienne leur histoire, que la culture de France devienne leur culture. Sous cet angle, l'assimilationnisme porte en lui une difficulté à concevoir et donc à accepter que les étrangers ne ressemblent pas aux français.
Cette conception est donc un terrain propice à une forme d'intolérance puisqu'il devient difficilement concevable que l'immigré refuse d'adopter les moeurs françaises. Jusqu'à ces dernières années, le concept même de "minorités" n'était jamais évoqué.
L'Etat français ne reconnaît que des citoyens égaux entre eux.
D'autres approches sont à l'opposé à l'exemple de la société américaine qui accepte que chaque groupe ethnique conserve une identité culturelle publique distincte.
Avec le poids croissant des immigrés musulmans, la conception assimilationniste a été mise en difficulté. Leur culture n'est pas fondée sur la séparation entre la religion et la vie publique, les sexes sont strictement séparés, le jour de prière n'est pas le dimanche mais le vendredi?.
Tous ces traits caractéristiques sont perçus par des français comme un affront à "l'hospitalité" de la France. Cette situation devient d'autant plus explosive que ce phénomène prend une ampleur particulière au moment où le chômage est très important et éprouve déjà les solidarités classiques de la société française.
La question est aujourd'hui de savoir si les français sont prêts à accepter que leur pays devienne multi-racial et multi-culturel avec des villes où cohabitent notamment des mosquées et des églises.
C'est un enjeu de nouvelle identité française. Au moment où tant d'angoisses affectent déjà les repères traditionnels, il est à craindre que le pays ne soit pas prêt à construire rapidement et calmement une telle évolution majeure.