Le nouveau patriotisme (Edito 27)
Historiquement, les démocraties ont toujours été mises à l'épreuve par les circonstances économiques difficiles. En effet, l'exercice calme et apaisé de relations démocratiques paraît coïncider avec les périodes de prospérité économique. Dés que cette prospérité disparaît ou tarde à revenir, certains "démons" apparaissent dont le retour en force de certaines idéologies plus agressives qui s'opposent alors à une forme d'universalisme pour promouvoir diverses formes de patriotismes.
Ce patriotisme est l'expression d'une identité linguistique, culturelle, géographique qui cherche à s'affirmer progressivement dans un cadre politique.
Le patriotisme n'est pas une idéologie. C'est un état d'esprit qui repose sur l'exaltation de critères d'identité (géographique, culturelle ?) pour présenter une alternative.
Cette approche de "nouvelle offre" repose sur un terrain qui est d'abord celui de l'échec des approches idéologiques plus universalistes.
La poussée de patriotismes intervient lorsque les références idéologiques traditionnelles deviennent inefficaces voire même suspectes.
Il y a un moment où le décalage entre la "parole officielle" et la conscience collective de certaines difficultés produit un rejet des grilles classiques de lecture. Plus ce décalage dure ou se creuse, plus les repères classiques sont considérés comme instrumentalisés à des fins "impures" et suscitent un scepticisme croissant.
Les idéologies classiques ont toujours eu deux vocations complémentaires :
- un mécanisme de guide de la pensée,
- pour apporter des solutions.
Sur ces deux volets, la période actuelle est marquée par une fragilisation manifeste des idéologies qui ne donnent plus de grille d'analyse et qui apportent encore moins de solutions.
Cette poussée d'un nouveau patriotisme intervient donc classiquement lorsque trois facteurs sont réunis.
Tout d'abord, dans les circonstances où les idéologies traditionnelles ont fait preuve de leurs faiblesses. Elle s'avèrent incapables de mettre en ?uvre des solutions durables. Elles donnent le sentiment de s'accommoder de situations qui ne sont plus supportées par l'opinion publique. Cette dernière éprouve alors le besoin de se réfugier dans une autre voie.
Ensuite, l'émergence du patriotisme accompagne les périodes où les valeurs universelles sont perçues comme un luxe. L'opinion publique ne conteste pas fondamentalement telle ou telle valeur d'accueil, de libéralisme, de tolérance mais elle considère que la pression des évènements du moment renvoie ces valeurs à des défis d'une autre époque ou à des aspects de "vitrine" qui n'ont plus de raison d'être.
Enfin, dernière étape, face à des sociétés de plus en plus permissives, le patriotisme est perçu comme un moyen de "légitime défense". Pour se sauver dans des circonstances particulièrement mouvementées, le patriotisme apparaît alors comme une réponse car permettant de réaliser l'unité au moment même où elle serait menacée par des évènements forts.
La période actuelle est marquée par l'échec sur trois fronts d'aspirations vitales pour le progrès de l'espèce humaine : être, se réaliser, fraterniser.
Sur ces trois fronts, l'actualité semble laisser place à l'autodestruction, à une désagrégation de la communauté exposée à des maux multiples qui amplifient les peurs les plus anciennes de l'humanité y compris tout simplement la préservation de sa place sur la planète terre.
Si les idéologies traditionnelles ne parviennent pas à retrouver leur légitimité par leur utilité, une recrudescence des patriotismes se produira inéluctablement.
L'enjeu réside dans l'évolution éventuelle de ces patriotismes vers des formes modernes de nationalismes.
Cette évolution constituerait une menace certaine.
Ce risque montre, si besoin était, que plus encore que par le passé, les idéologies classiques sont "condamnées à réussir".