Le calendrier électoral (Edito 28)
La période de préparation au lancement de la campagne présidentielle active est marquée par deux profils de candidats aux caractéristiques très clivantes.
D'un côté, le profil de Nicolas Sarkozy qui s'appuie sur l'énergie d'action. Toute sa démarche est basée sur une logique simple. La France est un pays bloqué. Les politiques du passé ne peuvent pas répondre aux problèmes du présent et a fortiori du futur. Il faut rompre et mettre en oeuvre des réponses nouvelles adaptées à la vie qui a changé.
Face à cette rhétorique de l'action, l'autre discours est à ce jour celui d'un émotionnel qui repose sur un vide stupéfiant. Qui peut citer une seule phrase forte de Ségolène Royal sur des enjeux majeurs de la société ? Sa percée repose sur un registre émotionnel à la recherche de la différence mais sans entendre un vrai contenu de différence. Jusqu'à quand le plein de popularité pourra-t-il se nourrir d'un tel vide de contenu ?
Entre ces deux positionnements diamétralement opposés, figurent ceux de Lionel Jospin et de Dominique de Villepin.
Pour Lionel Jospin, l'enjeu réside dans l'identification du degré de compassion et de culpabilité lié à son échec d'avril 2002. La base de son "retour" semble résider dans deux sentiments purement irrationnels :
- "le peuple de gauche" a été injuste avec lui en avril 2002,
- c'est maintenant "son tour" d'accéder à la Présidence.
Pour Dominique de Villepin, son ancrage dominant paraît être d'abord en réaction au "cocktail libéral et sécuritaire" de Nicolas Sarkozy.
Ce rapide tour d'horizon montre que nous sommes encore loin d'une réelle prise de conscience collective des enjeux et par définition encore davantage des pistes de réponses. Pourtant, même dans ce contexte encore difficilement saisissable, la cohérence du calendrier électoral revient de plus en plus souvent sur le devant de la scène. Les prochaines élections locales (municipales et cantonales) passeront-elles à la trappe pour devenir non pas un vrai scrutin de proximité mais le 1er scrutin d'expression nationale sur la nouvelle politique mise en ?uvre par la majorité présidentielle ?
C'est une question très importante au moment où chacun s'accorde à reconnaître que la décentralisation est l'une des réponses à l'immobilisme de la France.
Si l'actuel calendrier est conservé, c'est-à-dire si les élections municipales et cantonales interviennent en mars 2008, le nouveau pouvoir national ne risque-t-il pas de neutraliser l'état de grâce des premiers mois pour ne pas engager de réformes radicales susceptibles de créer des chocs collectifs impopulaires avant de produire dans le temps des effets positifs ? Si le nouveau pouvoir présidentiel opère des réformes radicales et subit un cinglant échec lors de ces scrutins locaux, que demeurera-t-il comme socle de légitimité pour continuer les 4/5èmes du mandat ?
Ces deux risques sont très importants et paraissent légitimer un réexamen du calendrier électoral pour placer les élections locales à l'automne 2007 comme il en est désormais de plus en plus question ouvertement.
En effet, cette période, fin septembre-début octobre, interviendra en phase d'installation du nouveau pouvoir présidentiel. Certes, un certain bonus pourrait en résulter pour le camp politique vainqueur des élections présidentielles et parlementaires. Mais ce bonus pourrait être marginal laissant à ces scrutins locaux leurs véritables vocations.
Alors même que paradoxalement la date de mars 2008 risque de les transformer excessivement en 1er scrutin national du "nouveau pouvoir" nationalisant d'autant l'expression du suffrage universel. Toutes ces questions montrent que le débat politique français doit ouvrir rapidement et sérieusement la question du calendrier électoral. Chacun se fait déjà à l'idée que les élections législatives deviendraient la pure traduction parlementaire de la victoire présidentielle ; ce qui n'est pas d'une logique démocratique très performante.
Quand cette dénaturation peut aller jusqu'à impacter des élections locales, il est probablement temps de revoir en profondeur l'ensemble de la question. Ne dit-on pas que le pouvoir est le "maître du temps"?
Et si chacun commençait par y voir plus clair dans l'organisation du temps politique ...