Le Président de la République (Discours 69)

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Qui gouverne la France ? Ces derniers jours, le jeu des hypothèses fait fureur. Le Président de la République ? Un Premier Ministre qui aurait pris un ascendant intellectuel sur le Président de la République ? Le Président du parti présidentiel disposant d'une majorité absolue dans les deux Assemblées ?


Deux vues de l'esprit sont probablement à éviter. La première consiste à penser qu'il puisse y avoir une égalité d'influence entre chacune des "composantes" de la décision du pouvoir exécutif. La seconde c'est qu'il puisse y avoir durablement une opposition forte entre ces composantes.

Au sein de la V ème République, l'exécutif ne peut fonctionner que dans la rupture de l'égalité mais dans l'entente. Ce mot entente ne signifie pas l'unanimité des vues entre ces composantes mais l'accord nécessaire quant à l'équilibre des pouvoirs.

En effet, le dualisme de l'exécutif sous la Constitution de 1958 se caractérise par la prééminence organique du Président de la République suite à la réforme de 1962 relative à l'élection du Président de la République au suffrage universel direct.

Mais les pouvoirs fonctionnels du Premier Ministre sont considérables. Le Premier Ministre est le point de passage obligé de la quasi-totalité des actions. A l'égard des administrations, l'Hôtel Matignon est au centre d'un réseau où convergent les informations, les questions, les demandes d'instructions. C'est le rouage essentiel de la direction politique du pays.
Si gouverner c'est élaborer une politique et surtout la mettre en oeuvre, il faut admettre que c'est ensemble que le Président de la République et le Premier Ministre gouvernent la France. Le Premier Ministre qui est naturellement le chef de la majorité parlementaire est, comme représentant de l'exécutif auprès du Parlement, celui qui décide de la traduction législative plus ou moins rapide, plus ou moins fidèle, des textes auxquels l'Elysée attache une importance particulière. Même de 1974 à 1976, J. Chirac alors Premier Ministre bien que n'appartenant pas à la formation politique du nouveau Président s'était affirmé chef de la majorité parlementaire et se comportait ainsi car il émanait du parti politique le plus important de la majorité présidentielle.

Les périodes de cohabitation ont significativement modifié la répartition habituelle des tâches pratiques. L'effacement de la fonction présidentielle face au représentant de la majorité parlementaire plus fraîche permettait la création d'un nouvel équilibre totalement différent de celui mis en ?uvre de 1958 à 1986. La présidentialisation progressive du régime était certes liée à l'élection du Président de la République au suffrage universel direct mais aussi à la connaissance que les Présidents Pompidou et Giscard d'Estaing avaient des dossiers lorsqu'ils ont été élus. Une connaissance détaillée qui allait les conduire à un exercice interventionniste.

Depuis 2002, n'avons-nous pas assisté à un nouvel équilibre inédit sous la V ème République ?

Le Premier Ministre est alors devenu "l'administrateur en chef" des orientations présidentielles mais avec, au sein même du Gouvernement, un leader politique de premier plan disposant à la fois d'une responsabilité ministérielle éminente mais aussi de relais politiques significatifs au sein même de la majorité parlementaire.

C'est une situation inédite sous la V ème République. Elle est proche de la "cohabitation" inter-gouvernementale connue de 1969 à 1974 avec le rapport de forces alors connu entre la majorité présidentielle et Valéry Giscard d'Estaing, Ministre des Finances, leader de fait du Parti républicain et postulant manifeste à la prochaine élection présidentielle. Dans de telles circonstances, les centres de pouvoirs deviennent trop nombreux et diffus. De plus, depuis 2005, date de l'échec du référendum sur le traité constitutionnel européen, il est devenu manifeste que le Président ne serait pas en situation pour concourir à un nouveau mandat. Nous assistons donc à une vie politique marquée par le "complexe du Prince de Galles" qui ne pense qu'à l'après-règne mais sans oser réellement s'y préparer dés à présent tout en prenant date pour l'avenir.

Cette situation porte en elle les blocages et le virtuel. Or les citoyens attendent l'action et l'immédiat. D'où le décalage permanent qui existe entre le Pouvoir et les citoyens. C'est une vraie crise de la fonction présidentielle qui ne tire plus tous les enseignements du passage devant le suffrage universel direct pour préserver la spécificité de cette onction démocratique.

  • Publié le 11 avril 2006

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