La transition énergétique et l'urgence à agir

A la demande de The European Climate Foundation, en relation avec Le Conseil Economique, Social et Environnemental, Harris Interactive a réalisé une enquête auprès des Français et des dirigeants d'entreprise du pays sur la transition énergétique, ses enjeux, ses modalités, ses conséquences anticipées, notamment économiques, et leur implication potentielle dans ce processus.

Cette enquête intervient dans le contexte du Grand Débat sur la transition énergétique, qui s'est tenu durant tout le premier semestre 2012 dans les régions françaises. Il avait vocation à faire intervenir toutes les parties prenantes - pouvoirs publics, producteurs, distributeurs, associations, entreprises, scientifiques, citoyens - afin d'amorcer une large réflexion engageant le futur énergétique du pays et de faire émerger un véritable projet de société autour de nouveaux modes de production, de distribution et de consommation de l'énergie.

The European Climate Foundation a souhaité contribuer au débat, en interrogeant un échantillon représentatif de citoyens et un échantillon représentatif de responsables économiques sur leur perception de la transition énergétique : quel degré d'urgence lui associent-ils ? Quels devraient être selon eux ses objectifs prioritaires ? Quels sont les acteurs susceptibles d'agir en faveur de cette transition ? Quels comportements les citoyens et les dirigeants d'entreprise sont prêts ou non à adopter pour l'accompagner ? Quels sont les freins et les leviers qui pourraient les inciter à Å“uvrer davantage en faveur de la transition énergétique ? Et quels impacts peuvent être anticipés sur l'économie du pays et les coûts de l'énergie ? Il s'agissait ainsi, à travers cette enquête, de mieux appréhender la manière dont les Français et les entreprises intègrent les enjeux environnementaux, industriels, économiques et sociaux que soulève la mise en Å“uvre de la transition énergétique, et d'identifier la part qu'ils envisagent de prendre dans le cadre de ce mouvement sociétal.


Que retenir de cette enquête ?


Les réponses des Français et des chefs d'entreprise se révèlent être extrêmement proches les unes des autres : l'étude montre une très grande proximité de jugement sur l'urgence à agir, les solutions à apporter et les anticipations d'effets de la transition énergétique.

85% des Français et 81% des dirigeants d'entreprise estiment que la mise en ouvre d'une politique de transition énergétique est urgente (dont même respectivement 40% et 37% « très urgente »). Le principal enjeu identifié de cette transition est environnemental (46% pour les Français et 48% pour les dirigeants d'entreprise) avant d'être politique (respectivement 21% et 20%), social (17% et 10%) ou économique (16% et 22%). Pour autant, si tous les enquêtés mettent en avant les enjeux écologiques, les Français sont également nombreux à souligner l'importance d'une plus grande indépendance énergétique de la France (95%, dont 57% très important), de la lutte contre la précarité énergétique et la hausse du coût de l'énergie (91%, dont 46%) ou encore du développement de nouveaux secteurs économiques et de la création d'emplois associés à cette transition (96%, dont 62%).


Pour réussir la transition énergétique, 69% des Français considèrent qu'il faut d'abord développer les énergies renouvelables et ce bien davantage que réduire la consommation (41%). D'ailleurs, seules les énergies renouvelables sont majoritairement perçues comme compatibles avec la transition énergétique à la fois par les Français (96%) et les dirigeants d'entreprise (95%). Le nucléaire divise en effet les deux populations en deux (52% des Français et 48% des dirigeants d'entreprise l'estimant compatible avec leur vision de la transition) alors que les énergies fossiles et les gaz de schiste peinent encore plus à convaincre sur ce point. On note de plus que les dirigeants d'entreprise ne considèrent majoritairement pas ces deux derniers types d'énergie comme un atout premier pour la compétitivité de la France, tandis que 81% considèrent que les énergies renouvelables constituent une opportunité pour la compétitivité du pays.


Convaincus de la nécessité de conduire rapidement une politique de transition énergétique, les Français se montrent relativement peu confiants envers les différents acteurs possibles de ce mouvement. Ainsi, si 65% font confiance à leurs proches pour s'impliquer positivement en faveur de la transition énergétique, ils ne sont qu'un sur deux à faire confiance aux collectivités locales, un tiers à l'Union Européenne et un sur quatre au Gouvernement. Ce scepticisme touche surtout l'opposition, mais concerne également les sympathisants de la majorité. Associations (49%) et entreprises (43% des salariés) ne parviennent pas non plus à susciter la confiance des Français. Dans une société marquée par la défiance croissante à l'égard des élus et la remise en cause généralisée de l'expertise, les Français se montrent globalement assez pessimistes sur la mobilisation potentielle des différents acteurs.


Du côté des dirigeants d'entreprise, la grande majorité estime que les entreprises françaises ont un rôle important à jouer dans la transition énergétique (87%, dont 38% très important) mais un rôle toutefois moins décisif que les scientifiques (96%, dont 63%), le Gouvernement (90%, dont 63%) ou que l'Union Européenne (89%, dont 63%). Ainsi, les dirigeants d'entreprise estiment que tous les acteurs - européens, nationaux ou locaux ; publics ou privés - devraient être amenés à jouer un rôle important et ne s'exonèrent pas de cet effort collectif. Mais tous semblent en attente d'un engagement plus ferme des pouvoirs publics.


Pour ce qui est de leur propre pouvoir d'action en faveur de la transition énergétique, les enquêtés se montrent assez partagés. Ainsi, un Français sur deux (53%) a le sentiment de pouvoir agir à son niveau en faveur de la transition énergétique, même si nombreux se disent prêts à faire des efforts à travers leurs comportements et leurs achats, notamment au sein de leur logement (comportements responsables, travaux d'isolation, mode de chauffage, etc.). Ils sont en revanche peu volontaires pour des efforts financiers directs (payer plus cher des produits énergivores, participer financièrement à des projets locaux de production d'énergie renouvelable...) ou pour réduire la taille de leur logement. De la même façon, la moitié des dirigeants d'entreprise semble se sentir impuissante à son échelle quand 50% pensent au contraire pouvoir agir en faveur de la transition énergétique. De manière générale, ils se montrent volontaires sur la promotion de comportements plus économes en énergie et l'aménagement de leurs installations mais refusent l'idée de créer des postes dédiés à la transition énergétique au sein de leur entreprise.


Amenés à signaler les principaux freins qui pourraient les empêcher de participer à la transition énergétique, les Français et les dirigeants d'entreprise mentionnent avant tout des limites financières : effort financier à produire à court terme, faiblesse des incitations financières, hausses d'impôts, et dans une moindre mesure, crainte que cela ne soit pas rentable à long terme pour les uns, manque de moyens financiers et absence ou faiblesse des aides publiques pour les autres. 42% des Français signalent également ce qu'ils perçoivent comme un manque de volonté des pouvoirs publics. En conséquence, ils déclarent qu'ils seraient surtout incités à davantage participer par des aides financières publiques (50%) et des effets positifs sur leur pouvoir d'achat (50%) avant même la perception d'effets bénéfiques sur l'environnement. La mise en place d'aides publiques, de financements spécifiques ou d'exonérations de charges est également le premier levier évoqué par les dirigeants d'entreprise (68%).


Invités à se projeter dans l'avenir, les enquêtés anticipent des effets plutôt (mais pas très) positifs de la transition énergétique sur l'économie, que ce soit en termes d'emplois (58% des Français, 54% des dirigeants d'entreprise), de croissance économique (53% et 50%) et de compétitivité des entreprises (49% et 47%). En revanche, ils sont plus partagés au sujet de l'impact sur le coût de l'énergie : si 43% anticipent une baisse des prix à long terme, les Français estiment majoritairement que le coût sera plus élevé à court terme (78%) et à moyen terme (50%). De la même façon, 39% des dirigeants d'entreprise anticipent un impact globalement positif de la transition énergétique sur le coût de l'énergie contre 43% un impact négatif.


De ce fait, les Français considèrent que de manière générale les désavantages de la transition énergétique l'emportent sur les avantages à court terme, sont mitigés à moyen terme, mais estiment très majoritairement (83%) qu'à long terme, les bénéfices prennent le pas sur les inconvénients. Ainsi, si on ne peut parler de véritable enthousiasme, les Français, dans une période où toute projection semble difficile, parviennent à entrevoir d'éventuels effets bénéfiques d'une politique de transition énergétique. A condition de penser le long terme et pas uniquement le très court terme. Sur ce point, les dirigeants d'entreprise se montrent nettement plus optimistes puisqu'ils sont 43% à estimer que les bénéfices l'emporteront sur les désavantages à court terme, 72% à moyen terme et 91% à long terme. 39% des dirigeants d'entreprise considèrent d'ailleurs que leur entreprise a plus à gagner qu'à perdre dans la transition énergétique, quand 40% pensent que cela n'aura pas d'incidence pour eux, alors que 18% craignent d'avoir plus à y perdre qu'à y gagner.


Méthodologie :

Volet Grand Public : Enquête réalisée en ligne du 16 au 24 avril 2013. Echantillon de 1000 individus représentatifs de la population française âgée de 18 ans et plus, à partir de l'access panel Harris Interactive. Méthode des quotas et redressement appliquée aux variables suivantes : sexe, âge, catégorie socioprofessionnelle et région de l'interviewé(e).

Volet Dirigeants d'entreprise : Enquête réalisée par téléphone du 12 avril au 07 mai 2013. Echantillon de 803 responsables en entreprise: DG, DGA, responsable RSE ou autre membre de la direction en capacité de répondre à des questions portant sur la politique énergétique de l'entreprise et la transition énergétique. Méthode des quotas et redressement appliquée aux variables suivantes : taille et secteur d'activité de l'entreprise. Certaines entreprises ont été sur-représentées afin d'obtenir un effectif statistiquement suffisant pour disposer de résultats fiables sur toutes les catégories d'entreprise, notamment les plus grandes. Elles ont été remises à leur poids dans l'échantillon global.

Pour suivre l'actualité de la politique américaine : Politique Américaine

  • Publié le 14 juin 2013

Partagez cet article :

Exprimez votre avis :