L'impact des scandales (Edito 39)
L'affaire Clearstream domine l'actualité politique française. Quelle est la réalité de l'enjeu ? La réponse peut connaître trois degrés.
1ère hypothèse, cette affaire est l'une des étapes désormais classiques avant tout démarrage d'une période électorale nationale majeure. Cette affaire va empoisonner la vie publique puis une autre arrivera et l'évincera et ainsi de suite jusqu'au scrutin. Si c'est le cas, une fois de plus, cela montrera que la démocratie française est décidément bien malade pour chercher le dénouement électoral dans l'empoisonnement médiatique du concurrent.
2ème hypothèse, la Justice passe vite. Cette affaire est "tirée au clair" et le scandale Clearstream emporte quelques noms plus ou moins connus. Si c'est le cas, une nouvelle fois, la France va pratiquer la "politique du bouc émissaire". Elle va affirmer que l'appareil d'Etat ne doit pas être dévoyé par des enjeux personnels ou partisans et cette affaire sera supposée purger toutes les autres de même nature. Cette politique du bouc émissaire est probablement le plus gros des scandales car le pire des scandales c'est d'en condamner un seul pour cacher tous les autres. C'est une pratique française trop répandue. Qui pourrait sérieusement défendre que les financements politiques, selon des modalités diverses, pouvaient se réduire dans la France des années 80 à Gérard Longuet, Henri Emmanuelli, Alain Carignon ou Michel Roussin ? Là aussi, cela montrera que la démocratie française est bien malade pour se contenter d'une sanction aussi partielle dans un sujet d'une telle importance.
La 3ème hypothèse, c'est qu'au regard de l'affaire Clearstream la France sorte des "morales provisoires" pour évoluer délibérément vers de nouveaux actes fondateurs d'exercice du pouvoir. Sous cet angle, l'affaire Clearstream deviendrait une chance.
Parce que la vie politique n'est pas une science exacte, les interprétations se multiplient pour donner à comprendre pourquoi la vie politique française est malade à ce point.
Quand on compare les enquêtes internationales, la vie politique française est marquée par deux discrédits exceptionnellement forts en ce moment :
- le discrédit qui frappe la "parole d'élection",
- le discrédit qui frappe le "personnel politique".
Que cachent ces deux discrédits ?
Dans l'actuelle vie politique française, il n'est pas concevable qu'un programme électoral puisse être appliqué. C'est ouvertement le "piège à illusions". Tant que cet état d'esprit demeurera c'est tout le contrat démocratique qui sera faussé ; d'où les radicalisations et la place des votes pour les extrêmes.
Le second discrédit est celui qui frappe les classes dirigeantes françaises. Elles sont perçues comme incapables, épargnées du sort commun et suscitent un besoin de vengeance contre les élites qui atteint des scores sans précédent.
Tant que ces deux discrédits demeureront la vie politique française sera très fragile et incertaine.
Péguy avait coutume de déclarer "tout est politique aux politiciens. Mais tout est morale aux honnêtes gens". Les politiciens doivent réintroduire de la morale manifeste. Cette morale c'est celle qui se situe entre moralisation et démoralisation.
Il ne s'agit pas de moraliser au prix de déclarations ou d'actes excessifs.
Il ne s'agit pas davantage de s'accoutumer à une triste réalité qui génère une démobilisation gravissime.
Toute la qualité de la réponse tiendra à son sens de l'équilibre et à sa portée générale pour bien attester qu'une vraie nouvelle page s'ouvre.
Sur ce volet, force est de constater que les actuelles réponses sont bien en-dessous des attentes.
Il ne s'agit pas de changer de Gouvernement mais de culture de Gouvernement.
Il ne s'agit pas de condamner un "corbeau" mais de prévoir les protections et les sanctions face à toute utilisation dévoyée de l'appareil d'Etat.
Si ces vrais sujets ne sont pas abordés, il faut se méfier du moment où l'opinion publique voudra condamner "l'escroquerie morale" de tous ces scandales sans vraie solution globale et durable.