Démocratie et sondages (02/02) (Edito 41)
La 1ère expérience de sondage par Internet a été conduite aux USA en 2000 par l'Institut Louis Harris Gordon Black. La démarche avait été simple. Cet institut avait mis en place un site web pour présélectionner des dizaines de milliers d'internautes. Une vraie base de données avait été constituée. Ces internautes participaient ensuite le plus simplement du monde au jeu classique des questions / réponses.
Les réponses ainsi obtenues ont vite été au centre de vives polémiques contestant le support utilisé.
Cette polémique orchestrée par les instituts concurrents ne résiste pas longtemps à la réflexion. En quoi le véhicule technique d'expression d'un choix peut-il altérer la qualité de cette expression ?
Il est alors question de la préservation de l'anonymat comme assurance de sincérité. Si l'anonymat est préservé par le sondage trottoir, quelle est la différence entre l'appel téléphonique et la réponse à un mail par rapport à l'identification du répondeur ?
Bien davantage, avec la démocratisation d'internet, si la base de données repose sur des échantillons techniquement sérieux, un plus grand nombre de questionnés pourra être interrogé dans un temps très bref. Cet élargissement du nombre des réponses est une force non négligeable de garantie de qualité.
Il est certain qu'internet va contribuer dans de brefs délais à mesurer l'opinion publique en la sondant. La seule interrogation réside désormais dans le calendrier de mises en place fréquentes de telles consultations.
Ces consultations vont transformer les coûts d'exploitation des sondages en les abaissant considérablement. Avec des coûts d'exploitation moindres, les sondages deviendront plus accessibles et se multiplieront.
A ce niveau, intervient l'évolution de la notion de sondage avec sa connotation d'enquête à la notion de sondage avec une connotation de consultation.
La ligne de frontière est fragile voire même artificielle dans la réalité.
Qu'est ce que le sens même d'un sondage ? C'est la formalisation de l'expression de l'opinion.
Quelle serait la démocratie qui se fixerait comme ligne de conduite de ne pas connaître, de ne pas entendre, de ne pas écouter, de ne pas considérer l'opinion publique ?
Dés que les sondages électroniques se seront développés, c'est donc une nouvelle démocratie qui va voir le jour.
Cette évolution est engagée. Le calendrier de sa reconnaissance dépend de la capacité de résistance des structures classiques.
Comme hier pour la "nouvelle économie", cette "nouvelle politique" va faire l'objet d'attaques violentes.
Les résultats seront tenus pour inexacts, trompeurs, peu fiables?
Souvenons-nous hier pour la "nouvelle économie", payer par internet c'était la quasi-assurance de diffuser ses codes bancaires confidentiels et ne pas avoir la marchandise en retour.
La fausse monnaie n'a pas attendu internet, le vol de données bancaires intervient dans tant d'endroits traditionnels ?: mais à cette époque internet rassemblait tous les risques.
Qui oserait encore aujourd'hui défendre cette présentation vieille d'à peine ...3 ans à la une des magazines ou des reportages TV ?
Il y a donc fort à parier que des polémiques spectaculaires vont naître.
La réponse viendra du local. Comme dans d'autres Etats étrangers, des expériences vont naître, produire des effets positifs et ces expériences pionnières seront copiées, améliorées et se propageront.
Cette saine contagion créera une nouvelle donne où le nombre croissant devenu incontournable aura écrit une nouvelle page de la démocratie locale.
En démocratie, toute extension de l'information comme de l'expression des citoyens peut être retardée mais pas refusée.
Il y a là probablement l'enjeu majeur des 5 prochaines années.