Les symboles français (01/02) (Edito 45)
Tout particulièrement pendant une campagne électorale, il faut communiquer efficacement. Pour cela rien ne vaut la rencontre entre un message et les grands symboles collectifs. Les mots, les actes, les objets, les couleurs ... ne peuvent trouver leur véritable signification qu'en rencontrant l'inconscient collectif qui a été structuré par et autour de symboles. Les symboles varient beaucoup d'une Nation à l'autre.
En France, à la différence des Etats-Unis par exemple, nous n'imaginons pas :
- placer un drapeau à la porte de sa maison,
- voir le Président prêter serment sur une Bible,
- et encore moins terminer chacun de ses discours par un "que Dieu vous garde".
Comment est-il donc possible d'identifier les principaux symboles français ?
Dans l'univers culturel français, tout est tourné vers une symbolique stylisée qui accorde une place forte où la forme exprime le fond. Ainsi, exemple caricatural, en 1974, VGE va corriger son côté aristocrate en recourant au chandail et en jouant de l'accordéon.
Le système symbolique national français a été longtemps bâti sur deux socles :
- à partir de la Révolution française le sentiment d'universalisme potentiel. D'où une considération permanente particulière sur le thème de la place de la France dans le monde,
- une place très forte accordée au passé qui a un très fort pouvoir d'évocation.
Dans l'univers culturel français, le passé et le présent se mêlent en permanence.
Si les Français sont aujourd'hui à la recherche de leur identité c'est que ces deux socles vacillent pour le moins.
A l'extérieur de la France, les exemples objectifs d'abaissement du statut international de ce pays fourmillent. La langue, la culture, la présence militaire, la présence économique sont très éloignées d'une splendeur universelle.
Sur le plan intérieur, la même déstabilisation est connue et remarquée par les Français.
Les jeunes sont aujourd'hui probablement plus nombreux à connaître le rap que la signification, voire le mot même, de "bonnet phrygien". Les matières fortes nouvelles ne portent pas un contenu proche des symboles français : informatique, économie ... L'élection présidentielle 2007 est probablement la première à intervenir dans un univers symbolique aussi contesté, fragilisé, incertain.
Cette situation ouvre trois nouveaux chantiers :
- est-il possible de constater la caducité de cet univers symbolique traditionnel ?
- est-il possible de lui substituer un nouvel univers symbolique adapté à la modernité ?
- si c'est possible, est-ce le moment opportun pour décider de le faire ?
Même délicate, cette étape est probablement le point de passage obligé vers une réconciliation des Français avec eux-mêmes.
Aujourd'hui une double "haine de la France" se développe. A l'extérieur, l'arrogance française est de plus en plus dénoncée. Que traduit ce reproche ? C'est le constat objectif de l'écart excessif entre le ton du pays et sa capacité à s'exprimer ainsi. Sur le plan intérieur, une situation identique s'est développée. Une distanciation considérable est intervenue entre les français et leur pays.
Le vrai enjeu conceptuel de la présidentielle réside probablement dans la redéfinition de cet univers symbolique moderne. Aucun candidat ne s'est véritablement ouvertement avancé encore à ce jour. Si cette situation persiste, il faudra attendre les premières semaines de campagne pour voir si l'univers symbolique suscite l'adhésion des français. Une nouvelle fois, janvier risque d'être le vrai mois charnière de l'élection présidentielle. Depuis 1981, l'élection présidentielle s'est toujours jouée lors du mois de janvier qui a redistribué toutes les cartes.