La fonction de Premier Ministre (01/02) (Edito 47)
La prochaine élection présidentielle doit intégrer l'usure des institutions de 1958 désormais ouvertement contestées dans plusieurs domaines dont les mécanismes de rationalisation parlementaire et les relations entre le Président et le Premier Ministre.
Que se passera-t-il si... ? Le jeu des hypothèses fait fureur pour imaginer les différents cas de réforme significative des relations entre le Président et le Premier Ministre.
A cette interrogation, les réponses sont nombreuses et variées.
Pour les uns, il ne saurait être question de modifier la dyarchie au sommet de l'exécutif.
Pour d'autres, le quinquennat notamment a modifié l'équilibre initial et il faut en tirer toutes les conséquences en évoluant ouvertement vers une présidentialisation encore accrue.
Il importe d'abord de constater que cette dualité de l'exécutif existe dans de nombreux pays.
Dans le cadre des régimes parlementaires coexistent le Chef du Gouvernement qui détient les prérogatives les plus importantes et le Chef de l'Etat qui a un rôle de représentant de la nation vis à vis de l'intérieur et de l'extérieur.
Dans des monarchies traditionnelles qui subsistent en pays d'Islam, le monarque se limite aux questions fondamentales laissant au responsable du Gouvernement le soin de régler les tâches du gouvernement qui ne sont pas de "la dignité" du monarque.
Parfois même dans le cadre d'un régime présidentiel, qui connaît en principe une structure unitaire de l'exécutif, apparaissent des exceptions notables comme en témoignent l'Argentine et le Pérou.
Par conséquent, ce n'est pas le propre de la Constitution française que de porter en elle une structure susceptible d'engendrer un blocage entre deux autorités d'un même pouvoir.
L'originalité de la Constitution de la Ve République naît de la répartition complexe et très imbriquée des prérogatives confiées au Président de la République et au Premier Ministre.
Si dans les autres régimes la règle est une séparation relativement franche des fonctions, en France, plus particulièrement sous l'empire de la Constitution de 1958, il en est différemment.
Un rapide examen de l'histoire constitutionnelle française montre que la dualité des fonctions au sein du pouvoir exécutif est une tradition de notre droit public, encore qu'il s'agisse souvent d'une situation de fait. Situation qui présente, il est vrai, de considérables avantages. Un tel système est un élément de stabilité dans les institutions en conciliant la continuité, par l'intermédiaire d'un Chef de l'Etat qui apparaît comme le recours suprême, le garant des valeurs permanentes, le mainteneur de l'unité et le changement qui peut être obtenu par le renouvellement du chef du Gouvernement pour s'adapter aux nécessités changeantes de la vie politique. Aussi ce dualisme traditionnel assure-t-il l'équilibre des pouvoirs publics.
Or si ces deux missions ont été souvent rigoureusement séparées dans les textes, il fut, en réalité et en règle générale, fort difficile de conserver ce clivage strict. L'application de la Constitution de 1958 n'y échappe pas. En effet, si le dualisme de l'exécutif sous la Constitution de 1958 se caractérise par la prééminence organique et fonctionnelle du Président de la République, les nécessités de l'unité d'action conduisent à une collaboration étroite du Président de la République et du Premier Ministre.
La réforme de 1962 avec l'élection du Président de la République au suffrage universel direct a conduit à un nouvel équilibre au sein du pouvoir exécutif. Sans doute l'importance de la fonction de Chef de l'Etat apparaissait-elle déjà dans "l'architecture" de la Constitution de 1958 dans la mesure où le Titre II, qui est consacré au Président de la République, est situé immédiatement après le titre intitulé "de la souveraineté" et avant les titres relatifs aux autres organes de l'Etat.
Depuis 1962, nous sommes passés de l'autorité personnelle du Général DE GAULLE à l'autorité fonctionnelle qui s'attache à celui qui est l'élu de la nation toute entière.