La rentrée politique (Edito 52)
Le conflit sur le Liban a installé l'international parmi les sujets prioritaires d'actualité. La résurgence d'un terrorisme actif rappelle la vulnérabilité de chacune de nos sociétés. Si ce climat devait demeurer, quel serait l'impact sur la rentrée politique ?
Jusqu'à maintenant, tout se préparait pour une "morne rentrée" marquant l'aboutissement d'anciennes man?uvres engagées dés le printemps 2006 c'est-à-dire la progressive désignation par l'opinion d'un face à face Nicolas Sarkozy / Ségolène Royal.
Les inconnues résidaient dans le nombre et le profil des autres candidatures ainsi que les hypothèses de reconduction d'un 21 avril 2002 c'est-à-dire un second tour sans l'une des deux forces démocratiques classiques.
Ce contexte contribuait pour partie à l'émergence d'un débat assez éloigné d'enjeux de société et désormais centré sur des aspects plus personnels voire anecdotiques. Anouilh dans "Cher Antoine" déclarait "viser bas, c'est viser juste". Le débat médiatique s'est ainsi focalisé sur le bikini de Ségolène Royal ou les conditions de réconciliation entre Cécilia et Nicolas Sarkozy.
Si la rentrée politique intervient dans un contexte international d'affrontements violents avec des risques de contagion régionale impactant l'ensemble de l'économie internationale notamment par le biais des tensions sur le prix du pétrole, le profil des présidentiables peut-il en être modifié ?
En novembre, les Etats-Unis connaissent les élections dites du mid term. Cette question de l'impact électoral de l'international est aujourd'hui au centre de toutes les analyses.
Les Américains ont progressivement défini le carré magique de l'équation :
- dénouement en Irak,
- sécurité domestique,
- prix de l'essence,
- impact sur l'économie américaine des conflits du Moyen Orient.
Les "menaces étrangères" ont été le ciment des derniers succès républicains. Pour 87 % des électeurs du Parti Républicain, leur choix électoral était guidé par leur analyse sur les "menaces étrangères" et leur sentiment que le volontarisme de Bush était la réponse adaptée.
L'opinion américaine semble aujourd'hui à une étape nouvelle : le besoin de visibilité. L'opinion a progressivement pris conscience que les réponses apportées n'avaient pas entraîné les conséquences attendues. En conséquence, une nouvelle grille de lecture doit être livrée. L'opinion américaine vit ainsi le conflit du Liban comme le constat que non seulement le dossier Irakien n'est pas réglé mais que d'autres foyers majeurs d'embrasement demeurent.
Par conséquent, les Républicains ne peuvent plus seulement exposer leur "vigueur dans la réponse". Ils doivent aller au-delà à peine d'enregistrer une sévère défaite électorale dans un climat international pourtant supposé plus porteur pour eux.
Cette "menace étrangère" ne peut laisser l'opinion publique française indifférente. Ségolène Royal devrait être la première pénalisée par ce contexte. Plusieurs facteurs y contribuent dont le sentiment de l'absence d'expérience gouvernementale à des fonctions significatives. Dans une moindre mesure, il n'est pas certain que le profil réformateur énergique de Nicolas Sarkozy soit le mieux adapté à de telles circonstances. L'opinion aura tendance à rechercher des "hommes d'Etat" ayant été déjà exposés à des crises internationales majeures et ayant témoigné alors le sang froid et la maîtrise nécessaires.
Il est certain qu'à gauche, ce climat plaide pour Lionel Jospin. A droite, selon le degré d'intensité de la crise, divers profils se profilent y compris, dans un climat exceptionnel, la candidature de Jacques Chirac. Qui peut imaginer l'état d'esprit d'une opinion publique qui constaterait en même temps l'explosion en plein vol de 10 avions entraînant plus de 3 000 victimes innocentes et l'embrasement du Moyen Orient avec une implication iranienne et syrienne de plus en plus manifeste changeant alors significativement la nature du conflit ?
Il est aujourd'hui certain que l'international s'est invité aux premières places de la prochaine présidentielle. La question est désormais de savoir si ce ne sera pas la toute première place ?