Focus Harris Interactive : allergie aux impôts sans précédent en France

En cette rentrée, une thématique revient lancinamment. La France aurait atteint le trop plein fiscal. La situation deviendrait insupportable et conduirait à une forme de « ras-le-bol » généralisé. Et celle-ci pénaliserait fortement le Président de la République dans son rapport à « l'opinion ».

Evitons, avant tout, de tomber dans un piège auquel la paresse de la réflexion pourrait nous conduire. Les Français ne sont pas structurellement contre le fait de payer des impôts. Ces derniers sont souvent définis, par les enquêtés, comme étant la première marque de la citoyenneté. En outre, la société française, selon un grand nombre de nos compatriotes, repose sur un système de solidarité dont l'Etat se doit d'être l'acteur. Et l'impôt dans son principe permet, à leurs yeux, d'assurer une forme de redistribution afin de limiter les inégalités.

A ce titre, la dernière élection présidentielle apparaît comme un révélateur. « La lutte contre les déficits, la dette » (38%) constituait le deuxième thème de campagne ayant le plus compté dans le choix des Français, derrière « l'emploi » mais devant le « pouvoir d'achat » et même « les impôts, la fiscalité » (26%, 6ème position)1 . Les électeurs de François Hollande (de premier tour), quant à eux, parlaient du pouvoir d'achat (41%) et des impôts (36%) plus que de lutte contre les déficits (29%). L'enjeu était présent tout en se heurtant à un écueil : si les électeurs souhaitaient une lutte contre la réduction de la dette et des déficits doublée d'une politique fiscale leur redonnant du pouvoir d'achat, ils n'aspiraient pas à une réduction du périmètre d'action de l'Etat. Le modèle social devait être préservé et la réduction tant de la dette que des déficits avait comme ambition d'éviter que la France ne se trouve dans une situation similaire à celle qu'ont pu connaître, notamment, la Grèce, l'Italie, l'Espagne ou encore le Portugal. L'injonction contradictoire était là.

A moins que derrière cette forme de tension se manifeste une forme de cohérence : l'aspiration à une politique fiscale juste. Et, sur ce point, les Français ne semblent pas avoir perçu une telle direction prise par l'exécutif. A ce titre, la « taxe à 75% » fortement soutenue par les Français en constituait l'un des marqueurs symboliques. L'invalidation de la mesure a d'ailleurs été fortement commentée par les Français. Tout comme le départ de Gérard Depardieu pour convenances fiscales.

Parvenir à faire qualifier la politique fiscale de juste, là se trouve une des difficultés du gouvernement. On se souvient qu'en janvier 2007, lorsque François Hollande avait placé la richesse à 4000? et - déjà - proposé une augmentation de l'imposition pour les personnes touchant ce salaire il avait été, sur ce point, suivi et encouragé par les Français. Aujourd'hui, lorsque nous interrogeons les citoyens, la règle n'apparaît pas limpide. A ce titre, si l'écart d'intentions de vote à la dernière présidentielle entre François Hollande et Nicolas Sarkozy s'est réduit même après le débat d'entre deux-tours c'est, pour partie, parce qu'à aucun moment l'actuel Président n'a pu convaincre les électeurs hésitants que l'augmentation de l'imposition ne toucherait pas les personnes se considérant comme relevant de la classe moyenne.

Il est aujourd'hui indéniable que les impôts constituent un « sujet d'opinion ».

Alors même qu'au tout début du mandat de François Hollande, 2% des Français parlaient impôts, la proportion a quintuplé en quelques semaines dès qu'a été évoquée la fiscalisation des heures supplémentaires.

De même, début octobre l'annonce des hausses d'impôts dans le cadre du vote du budget a marqué les esprits. Tout comme la décision du Conseil Constitutionnel invalidant la « taxe à 75% ». A chaque fois, le sujet marque et s'étiole rapidement. A chaque fois, le lien entre sujet de conversation des Français et structuration de l'absence de confiance à l'égard du Président de la République apparaît distendu. A chaque fois, sauf en cette rentrée.

Tendanciellement, entre 7 et 10% des Français n'accordant pas leur confiance au Président mentionnaient les impôts. Aujourd'hui, ce sont 19% d'entre eux. Et alors qu'en juin ou juillet derniers les principales critiques reposaient sur la personnalité du chef de l'Etat (« mou », « incompétent ».) ou sur sa difficulté à traduire en actes ses promesses de campagne (« mensonges », « promesses non tenues ».) le terme « impôts » occupe aujourd'hui - et pour la première fois - une place centrale.

Comme on peut s'y attendre, ce sont essentiellement les électeurs de Droite et les personnes âgées de 50 ans et plus qui y sont le plus sensibles. Reste que l'on remarque une proportion non négligeable d'électeurs de François Hollande (20% de ceux ne lui accordant plus leur confiance) tout comme de personnes issues des catégories populaires qui, pour la première fois, s'emparent de ce sujet [14% de ceux exprimant un avis négatif sur le Président].

On ne peut qu'être frappé par la très rapide évolution de la part de cette thématique comme élément de critique à l'égard du Président.

Par le passé, des paliers intermédiaires (de trois à six points) laissaient entrevoir une montée progressive de la critique. Par le passé, en septembre l'on parlait plus des impôts qu'au cours de l'été. Reste qu'en ce début de mois, la progression est nette (+ 9 points en un mois) et surtout se situe à un niveau jamais atteint. La thématique portée par les médias au cours du mois d'août doublée de la réception de la première fiche d'imposition de la nouvelle présidence ont probablement ouvré en ce sens.

Ce sujet était auparavant un aspect d'opinion ne touchant pas directement le Président de la République. Il devient un sujet politique. Et l'une des caractérisations des raisons de la défiance d'une part importante des Français. De l'autre côté, peu de soutiens. Les 35% de Français déclarant faire confiance à François Hollande ce mois-ci ne mobilisent pas l'argument selon lequel la fiscalité serait empreinte de justice.

Et la frange de la Gauche qui avait vibré au Bourget à la résonance du terme « égalité » ne mobilise pas ce terme pour qualifier positivement l'action du Président. Les Français perçoivent plus la fiscalité comme une dépense immédiate de leur part sans que la finalité de l'utilisation des fonds ne soit perçue alors, qu'en début de mandat, ils la considéraient plus comme un investissement pour la préparation de l'avenir. D'où la crispation.

Note extraite du Focus Harris Interactive publié ce jour.

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  • Publié le 4 septembre 2013

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