La campagne de Ségolène Royal (01/02) (Edito 57)
La campagne présidentielle de Ségolène Royale cache une autre campagne et une autre échéance.
L'autre campagne, c'est celle de la restructuration des composantes de représentation de la vie politique française.
En réalité, les actuels partis politiques ne correspondent plus aux vrais clivages culturels de la société.
La ligne de partage n'est plus entre la droite et la gauche. Elle est entre ceux qui acceptent l'adaptation et ceux qui la refusent.
Ceux qui acceptent l'adaptation se divisent en plusieurs catégories :
- les activistes qui vivent cette adaptation par l'action,
- les internationalistes qui ne pensent qu'à l'avenir planétaire et acceptent pour eux ce qu'ils ont déjà vu pour d'autres,
- les rigoristes qui acceptent une partie de l'adaptation à condition qu'elle s'accompagne de certaines valeurs sûres.
Ceux qui refusent l'adaptation se divisent en deux catégories principales :
- les partisans des remparts : ils sont les défenseurs des derniers dogmes, des croyances maintes fois piétinées mais sans lesquelles vivre leur paraît impossible,
- les adeptes de protections : ils ne récusent pas l'adaptation mais elle les inquiète tant qu'ils multiplient les protections emportant par là même toute faculté d'adaptation.
Voilà aujourd'hui la vraie clef de séparation des couches de l'opinion publique. Ces segments peuvent être baptisés de noms divers pour rendre l'étude plus "sexy" mais fondamentalement la réelle ligne de séparation est là.
La vraie campagne présidentielle, c'est le test de courage des candidats pour défendre un contenu qui réponde désormais à ces enjeux collectifs et non pas aux fonds de commerces électoraux traditionnels.
C'est un enjeu d'autant plus important que la vraie échéance est la sortie des institutions de 1958 qui, de réponse conjoncturelle à une situation évènementielle très typée, sont désormais indignes d'une démocratie moderne.
Ce sont là les deux vrais enjeux de l'élection présidentielle de 2007.
Sur la recomposition de la représentation politique française, Ségolène Royal porte en elle tous les ingrédients de l'enjeu. Sa popularité repose sur des catégories qui acceptent l'adaptation douce. Son profil personnel, ses positions strictes dans certains domaines lui ont ouvert la sympathie de rigoristes.
Mais, face à ce potentiel, une partie importante de son électorat traditionnel refuse l'adaptation. C'est le cas du PCF, des Verts et désormais d'une partie même du PS conforté en cela par des leaders comme Fabius ou Mélenchon.
L'avenir électoral de Ségolène Royal sera un indicateur précis de la capacité des citoyens à accepter cette recomposition de leur représentation mais aussi la volonté des leaders à conduire cette recomposition.
Il est probablement trop tôt à ce jour pour effectuer un pronostic. C'es tout l'enjeu des trois prochains mois en sachant que traditionnellement la vraie structuration de l'opinion intervient en janvier. Au cours des trois prochains mois, l'évolution dépendra de la témérité de Ségolène Royal à ouvrir de nouvelles frontières ou de son repli sur les bases classiques.
Sa campagne porte aussi sur l'autre enjeu majeur : la vraie échéance qui est celle de la sortie des institutions de 1958.
Il est désormais clair que Nicolas Sarkozy évolue vers un schéma présidentiel à l'américaine. Le Président reçoit un contrat de la Nation. Il est l'acteur, le responsable de l'application de ce contrat. C'est une présidence active, impliquée, énergique.
Il est plus difficile à ce jour de déceler le profil de "tempérament institutionnel" de Ségolène Royal.
Il est probable qu'elle renforcerait les pouvoirs du Parlement mais ne conserverait-elle pas cette conception quasi-monarchique qui n'existe nulle part ailleurs ?
Il est temps qu'elle clarifie ce point. Là aussi, cette clarification sera lourde de conséquences pour l'ensemble du débat politique.