Le nouveau pouvoir américain (Edito 65)
La vie politique américaine est entrée dans l'ère de la cohabitation avec les résultats des élections du 07/11/06. GW Bush a d'ailleurs immédiatement pris l'initiative de cette cohabitation par deux gestes majeurs :
- le départ de D. Rumsfeld, emblématique Ministre de la Défense,
- la rencontre avec N. Pelosi appelée à devenir Speaker de la Chambre des Représentants c'est-à-dire troisième personnage de l'Etat.
Les déclarations à l'issue de cette rencontre sont lourdes de sens. Nancy Pelosi a déclaré : "nous avons tous deux tendu la main de l'amitié et du partenariat". GW Bush a déclaré est prêt à "tourner la page des élections et travailler ensemble sur les grandes questions auxquelles l'Amérique est confrontée".
Parmi ces questions, la présence internationale des Etats-Unis figure au premier plan des nouvelles orientations. L'Amérique attend d'abord du changement sur l'Irak.
L'enjeu est simple : comment ramener les troupes à la maison sans laisser l'Irak en pleine catastrophe ?
Sur ce volet prioritaire, il semble que le Président ait la volonté de procéder en deux étapes :
- d'une part, attendre les propositions de la commission spéciale présidée par James Baker,
- d'autre part, bâtir un retrait progressif accompagné par des engagements des pays voisins dont l'Iran et la Syrie.
En réalité, la marge de manoeuvre du Président Bush est d'autant plus étroite que la guerre en Irak a toujours été présentée comme "le front central de la guerre contre le terrorisme".
Par conséquent, les conditions de retrait ne peuvent intervenir sans être accompagnées par des "perspectives" positives dans ce combat contre le terrorisme.
Le lendemain de sa démission, D. Rumsfeld a reconnu l'échec l'expliquant par l'inexpérience des troupes face à "des extrémistes violents qui n'ont pas d'armée, de forces navales et aériennes et qui opèrent dans l'ombre".
Si l'opinion publique souhaite le retour des troupes, ce n'est pas non plus au prix d'un retrait "honteux" dans des conditions marquant une victoire manifeste pour les terroristes.
Sur d'autres fronts, les modifications pourraient être mineures. En effet, la préoccupation du terrorisme demeure très forte. Si cette lutte n'est pas au prix de pertes humaines jugées excessives, il ne faut pas pour autant en déduire que l'opinion ait voulu la modification radicale de toute la politique conduite en la matière.
Sur le plan interne, il paraît certain que des commissions d'enquêtes seront mises en oeuvre dont le dossier de la firme Haliburton voire la prison de Guantanamo. Mais de là à imaginer que ces procédures pourraient déboucher sur une procédure d'impeachment, il y a un pas important avec d'ailleurs une exigence de majorité qualifiée au sein du Sénat qui supposerait un retournement difficilement compréhensible de la part de Sénateurs Républicains.
Enfin, il ne faut pas oublier que la Constitution Américaine exige que toute législation adoptée par le Congrès soit approuvée par la signature du Président. Avec ce droit de veto, le Président peut repousser l'entrée en vigueur d'une loi sauf à aller vers une nouvelle adoption à la majorité qualifiée.
Tous ces exemples pratiques montrent par la complexité du dossier (Irak) ou par les contraintes procédurières que c'est une véritable cohabitation qui s'ouvre c'est-à-dire la nécessité pour les deux parties à la décision de trouver un terrain d'entente. Selon le dossier, le prix politique du blocage peut s'avérer très lourd.
Les Républicains avaient connu ce problème sous Clinton et leur "extrêmisme" avait assuré la seconde popularité à Clinton écrasant Bob Dole symbole d'un Sénat accusé de tous les maux d'une Administration paralysée. La première erreur grave peut coûter la présidentielle de 2008.