Place aux jeunes (Edito 69)
En France, deux quinquagénaires candidats à l'élection présidentielle à la tête des deux principales formations politiques ; aux Etats-Unis la préparation de la présidentielle s'emballe autour de candidats quadragénaires ; au Canada, le leader du Parti Libéral vient d'accéder à cette éminente fonction sans aucun passé significatif ... : autant d'exemples qui attestent de la mode qui porte "les jeunes" dans l'actuelle vie politique. A quoi tient cette mode ?
Les opinions semblent chercher la bonne norme d'âge pour affronter les immenses défis du nouveau siècle.
Mais surtout, trois facteurs expliquent cette évolution.
Tout d'abord, l'identification. La politique est désormais à l'image du monde publicitaire commercial classique.
L'opinion se structure en cherchant à s'identifier à un groupe. Ce groupe, en l'espèce un parti politique, est incarné par son leader. Ce leader porte l'identification du groupe. Or, aujourd'hui, chaque groupe est en mal de rajeunissement. Un leader jeune répond à cette identification positive.
Ensuite, l'imagerie. Toute la communication consiste à briser les différentes barrières entre les groupes dont les barrières de l'âge.
Cette communication est aujourd'hui affaire de style et non plus de projet. Tout est désormais question de personnalité. Un candidat jeune c'est le candidat qui fait un parti politique se sentir énergique et conquérant à l'extérieur mais aussi porteur de neuf à l'intérieur.
Car ce volet de nouveauté est le dernier facteur important qui explique cette mode. L'avenir est celui de toutes les menaces. Ce rajeunissement, c'est le comportement social de ceux qui aspirent à se libérer de ce futur si inquiétant.
La jeunesse c'est d'abord au plus profond de chacun, le message de "oui à la vie" avec tout ce qu'elle est censée offrir. Des leaders jeunes témoignent d'abord que la vie ne peut se résumer à toutes les menaces dont il est question quotidiennement. Il ne s'agit pas de les oublier. Il ne s'agit pas de se lamenter. Il s'agit de renoncer à ce fatalisme.
Cette aspiration aux jeunes est synonyme de nouvelles attentes, de nouveaux rêves, de nouveaux désirs, de nouvelles visions.
Il est symptomatique de constater que ce mouvement s'accompagne d'ailleurs du retour en force de mots comme : espoir, audace, changement, mouvement, énergie ...
Autant de mots qui évoquent la jeunesse.
La période présente est en attente de "nouvelles frontières".
La politique doit redevenir le domaine de l'évasion contrôlée. Au moins par la pensée dans un premier temps, elle doit esquisser les frontières d'un "nouveau monde" où la seule perspective ne soit plus seulement de survivre.
Cette période découvre la jeunesse comme science. Elle doit libérer du futur probable pour aller vers le futur voulu.
C'est une vraie chirurgie de reconstruction mentale.
Les partis politiques actuellement en forme ont des leaders qui incarnent cette jeunesse.
L'UMP a trouvé un vrai nouveau souffle dans les années 2002-2005 quand Nicolas Sarkozy incarnait toute la logique médiatique de cette jeunesse : nouveau couple, nouvelle énergie, nouveau look ?
Le PS trouve le salut dans la médiatisation de S. Royal qui tourne la page des anciens leaders depuis le retour impossible de L. Jospin jusqu'aux rejets des éléphants représentés par L. Fabius et DSK.
Tous les autres leaders qui n'incarnent pas la jeunesse indépendamment de pures considérations d'état civil ne démarrent pas. Ce climat donne même le sentiment que si le FN était représenté par Marine le Pen, il pourrait sur-performer dans des conditions incroyables.
C'est une évolution spectaculaire qui pousse à un nouveau mode de fonctionnement politique.