Jean Marc Ayrault confronté à un double divorce avec l'opinion

Suite à l'annonce d'une « remise à plat de notre système fiscal » par le Premier ministre Jean-Marc Ayrault et à la demande de LCP, Harris Interactive a réalisé une enquête sur cet enjeu de réforme de la fiscalité française : les Français estiment-ils que le système fiscal actuel est juste ? Approuvent-ils le principe d'une réforme fiscale ? A quels acteurs font-ils confiance pour faire de bonnes propositions ? Se déclarent-ils favorables ou opposés à différentes pistes de réforme ?


Que retenir de cette enquête ?

Huit Français sur dix estiment que le système fiscal français n'est pas juste, dont même un tiers « pas du tout ». Ce constat est partagé à la fois par les sympathisants de Gauche (70%), les sympathisants de Droite (88%) et les sympathisants du Front National (96%). Une très grande majorité de Français considère que la politique fiscale actuelle demande le plus d'efforts aux « classes moyennes » (81%, +7 points par rapport à février dernier) devant les catégories populaires (31%) et les catégories aisées (10%).

Là encore, ce sentiment dépasse les clivages politiques. Constatons que 90% des personnes appartenant aux CSP+ mais aussi 74% des personnes appartenant aux CSP- désignent les classes moyennes comme principale catégorie sollicitée par le système fiscal aujourd'hui.

Par rapport à une enquête réalisée en février dernier , les Français sont nettement moins nombreux à juger que les catégories aisées sont particulièrement sollicitées par la politique fiscale actuelle (10%, soit -10 points), alors qu'ils sont plus nombreux à citer les classes moyennes (81%, +7 points) ou populaires (31%, +1 point).

Face à ces constats, plus des deux-tiers des Français jugent positivement le principe d'une réforme fiscale de la part du gouvernement de Jean-Marc Ayrault. En effet, 68% y voient une bonne chose contre 30% qui y voient une mauvaise chose. Les sympathisants de Gauche sont les plus nombreux à y voir une initiative positive sans que les Français proches d'autres formations politiques se montrent majoritairement critiques (88% des sympathisants de Gauche contre 56% des sympathisants du FN et 50% des sympathisants de Droite). Cette adhésion moins prononcée de la part des sympathisants de Droite et du FN ne concerne sans doute pas le principe de la réforme, mais résulte peut-être de la grande défiance exprimée à l'égard de Jean-Marc Ayrault.

Toutefois, parmi différentes solutions envisagées par le gouvernement, aucune n'est approuvée par une majorité de Français, à l'exception du prélèvement de l'impôt sur le revenu « à la source ». En effet, seuls 45% des répondants approuvent la mise en place d'une éco-taxe, 39% la suppression de toutes les « niches fiscales »3 , 37% la fusion de l'impôt sur le revenu avec la CSG et 27% la hausse de la TVA pour certaines professions bénéficiant aujourd'hui de taux réduits. Notons que les sympathisants de Gauche soutiennent majoritairement toutes ces propositions du gouvernement, à l'exception de la dernière d'entre elles. A l'inverse, les sympathisants de Droite et du Front National s'y déclarent toujours majoritairement opposés, sauf concernant le « prélèvement à la source ». Sur ces sujets complexes, notons que peu de Français renoncent à s'exprimer : selon les propositions, seules 9% à 24% des personnes interrogées déclarent « ne pas connaître suffisamment cette question pour avoir un avis ».

Enfin, parmi différents partenaires sociaux ou formations politiques, aucun acteur n'est crédité de la confiance d'une majorité de Français pour porter des propositions permettant de réformer le système fiscal dans le bon sens. Ainsi, seuls 42% des Français déclarent faire confiance en ce sens aux syndicats de salariés, 30% au gouvernement de Jean-Marc Ayrault et 27% aux organisations patronales. De même, les formations politiques ne reçoivent la confiance que d'une minorité de répondants pour oeuvrer en faveur d'une bonne réforme fiscale, de 39% pour le MoDem et l'UDI à 20% pour le Front de Gauche, en passant par 30% pour l'UMP, et 24% pour le Front National ainsi qu'EELV. Relevons que 72% des sympathisants de Gauche mentionnent faire confiance au gouvernement pour cette réforme, quand 68% font confiance aux syndicats de salariés. Les sympathisants de Droite accordent quant à eux majoritairement leur confiance aux organisations patronales (52%).

C'est donc avec un double divorce avec l'opinion que Jean Marc Ayrault doit compter :
- sur le fond avec l'émergence d'une réelle allergie fiscale,
- sur la forme avec une négociation difficile avec des corps intermédiaires, donc des interlocuteurs en perte de crédit.

Echantillon de 1 328 individus représentatifs de la population française âgée de 18 ans et plus, à partir de l'access panel Harris Interactive. Méthode des quotas et redressement appliquée aux variables suivantes : sexe, âge, catégorie socioprofessionnelle et région de l'interviewé(e).

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  • Publié le 25 novembre 2013

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