Le débat télévisé (Edito 82)
Pendant de nombreuses années, la question principale lors de la perspective d'organisation d'un débat télévisé était de savoir s'il s'agissait d'y participer ou pas.
La stratégie semblait donc dominée par cette question exclusive de participation.
Avec la montée en puissance de l'image et celle de la télévision, la question même de la participation ne se pose plus désormais sauf circonstances très particulières.
Le seul enjeu stratégique réside dans les conditions d'organisation du débat télévisé et plus précisément dans les conséquences en termes d'images qui vont en résulter pour les participants.
L'opinion publique française est actuellement une opinion orpheline.
Orpheline de morale car elle considère que l'élite ne vit pas la même existence que celle des gens ordinaires. Bien davantage, l'élite perd son statut dés l'instant qu'elle ne parvient pas à discipliner la crise.
Orpheline de chef car l'opinion française est une opinion qui demeure en attente d'un chef charismatique qui parle au coeur, aux tripes avec des solutions simples. C'est son Histoire.
Orpheline d'avenir car l'opinion française est aujourd'hui l'une des plus angoissées face à l'avenir comme vient de le démontrer la dernière enquête en date, celle de la SOFRES organisée pour Fidelity International sur le sujet des retraites.
Dans ce contexte général, l'opinion attend d'un débat télévisé qu'il l'éclaire et lui donne les réponses aux questions concrètes qui se posent à elle.
Avant d'examiner les conditions d'expression de ces réponses, il importe déjà d'observer quelques acquis consensuels.
Tout d'abord, le débat télévisé comporte moins de risques pour le challenger que pour celui qui est en l'exercice des fonctions. Il s'avère en effet que le challenger peut être gagnant simplement en ne se laissant pas démonter et même parfois en apparaissant sur le même plateau que le détenteur d'une grande responsabilité publique.
Deuxième enseignement, le vainqueur d'un débat télévisé est maintenant celui qui incarne la capacité à résoudre les problèmes.
Progressivement, l'opinion publique française s'est libérée d'ancrages idéologiques dogmatiques pour devenir une véritable consommatrice de réponses pratiques à des questions pratiques.
Il importe d'intégrer cette nouvelle psychologie collective qui est celle d'une opinion qui n'aime pas les problèmes, qui souhaite éviter les risques de toutes sortes et qui attend que certaines règles soient respectées.
Une opinion qui aspire à faire confiance au pouvoir à condition que celui-ci tienne compte de l'opinion des citoyens.
Ces mêmes citoyens ont des préoccupations personnelles de plus en plus immédiates : payer les impôts, vivre en sécurité, gagner en visibilité quant à un avenir perçu comme de plus en plus difficile.
Dans ce contexte très précis, le talent, lors d'un débat télévisé, vise à bâtir de façon cohérente une image de marque permettant aux téléspectateurs d'identifier le registre d'efficacité dans lequel le candidat peut être utile.
Dans les actuelles circonstances de crise il faut se méfier de deux travers. Le premier consiste à évoluer vers un schéma technocratique distant qui perdrait en proximité et en authenticité.
Le second travers réside dans la recherche d'une originalité trop éloignée du modèle standard qui ne permet pas aux téléspectateurs de positionner rapidement l'intéressé sur leur échiquier traditionnel.
Par conséquent, pour susciter la confiance, la marge de manoeuvre est étroite. Elle réside dans la capacité à incarner des réponses simples, concrètes, rapides à des questions de tous les jours. C'est l'étroitesse de cette marge de manoeuvre qui conduit actuellement à une certaine morosité des campagnes car l'enjeu réside dans la nuance.
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