Séçolène Royal à la croisée des chemins

  • Segolene Royal
  • Kevin Bernardi

A près de 15 jours du scrutin Européen, cette élection apparaît de plus en plus comme une véritable élection de mid term constituant un résumé des enjeux politiques majeurs.

Comme point général et en accord avec son auteur, la publication de cet article de M. Kévin Bernardi contient tous les chiffres clefs du scrutin du 7 juin 2009 avec les divers enjeux politiques collectifs : kévinbernardi.

"La France s'engage aujourd'hui pour deux élections majeures, deux élections de mi-mandat : les Européennes du 07 juin et les Régionales 2010.
Ces deux élections constituent un véritable test de confiance au Président Nicolas Sarkozy et en sa politique gouvernementale.

Au soir du second tour des élections régionales de 2004, la France avait changé de couleur, passant du bleu au rose: la Gauche remportant une victoire historique, avec le contrôle de 20 Régions sur 22 (Alsace et Corse étant les exceptions).

En 1998, la cartographie régionale était autrement plus nuancée : 13 Régions à la Droite, 8 Régions à la Gauche. Il s'agissait d'une élection de "Mid Term" pour reprendre l'expression américaine; de mi-mandat.

En 2004, le contexte politique était tout autre. En effet, alors qu'en 1998, la France vivait sous sa troisième cohabitation (Chirac - Jospin), en 2004, le Président Jacques Chirac avait les cartes en mains, du moins la majorité des cartes pour jouer, pour réformer.

Deux ans auparavant, la France avait vécu un séisme politique avec la présence au second tour de la Présidentielle, de Jean-Marie Le Pen, le leader du Front National, au détriment du socialiste Lionel Jospin, Premier Ministre d'alors.
La sécurité et la délinquance étaient alors les maîtres-mots.


En 2004 donc, les Régionales furent synonymes d'un véritable raz-de-marée pour la Gauche. Une vague rose favorisée par deux points majeurs :
- l'unité des Gauches
- la division des Droites

Les listes de la Gauche partaient en effet unies (la plupart du moins), à l'exemple de la liste conduite par Ségolène Royal en Poitou-Charentes, alors que les listes de Droite partaient en majorité divisées : de traditionnelles alliances avec le Front National ne se renouvelant pas, ainsi que des alliances avec l'UDF de François Bayrou devenu depuis le MoDem.

Les Régionales 2004 marquèrent également une nette progression du taux de participation avec une abstention à 34,6 % (CSA), au second tour du scrutin.
Cette participation s'explique peut être par la peur de nouvelles surprises électorales à l'image du 21 avril 2002, peut être aussi par une prise de conscience civique : voter est un droit, c'est aussi un devoir.

Mais cette écrasante victoire ne cache cependant pas quelques questions, des questions intéressantes à soulever :
- et si le FN avait fait alliance dans l'ensemble des Régions avec l'UMP ?
- et si l'UDF avait fait alliance avec l'UMP ?

En effet, le vote de Gauche pesait au soir du second tour, près de 50 % des suffrages, contre 37,2 % pour la Droite traditionnelle (CSA) et 12,9 % pour l'extrême-droite.

Bien qu'une élection, nationale ou locale, n'est pas synonyme de parfaite cohérence arithmétique, il est intéressant de voir qu'en additionnant le vote Droite et le vote Extrême-Droite, on parvient à une quasi-égalité entre la Droite et la Gauche, avec même un léger avantage pour la Droite "unie". Mais comme je viens de le signaler, les élections et les mathématiques ne font pas bon-ménage.

Il est peut être plus intéressant de voir la question des alliances avec le Centre, autrement dit, avec l'UDF de François Bayrou.

A ce moment là, plusieurs Ministres du Gouvernement Raffarin étaient des cadres de l'UDF, mais en Régions, les alliances ne furent pas "automatiques", à l'exception notamment, de l'Ile-de-France où Jacques Santini se rallia à Jean-François Copé, tête de liste UMP, battue par le socialiste Jean-Paul Huchon, tête de liste d'une union de la Gauche. Mais l'Ile-de-France, représentait et représente toujours, un enjeu stratégique, tout comme Paris pour les Municipales. Il fallait donc, l'union de l'union.
Aujourd'hui cependant, le MoDem n'est plus l'UDF, une partie des ex-cadres étant désormais dans le parti d'Hervé Morin, le Nouveau Centre, allié de l'UMP.


Que pèse donc aujourd'hui, le MoDem dans le paysage politique hexagonal ?

C'est une question qui sera, peut être, en partie dévoilée, au soir du 07 juin prochain, lors des élections européennes. Le Nouveau Centre fait alliance avec l'UMP, le MoDem lui, s'en va en guerre électorale, seul.

C'est une question qui sera, certainement essentielle, pour l'avenir même du MoDem. Lors des dernières Municipales, la position du MoDem ne lui fut pas bénéfique, à l'image de son leader François Bayrou à Pau; le MoDem, choisissant où bien, une alliance (à Droite ou à Gauche), où bien une escapade solitaire.


Ces Européennes sont toutefois une sorte d'OVNI en matière électorale: il n'y a qu'un seul tour et celui-ci est organisé à la proportionnelle, d'où l'éternelle question :

- le mode proportionnel n'est-il pas plus "équitable" que le mode majoritaire ?


La proportionnelle permet une plus juste répartition des forces politiques en présence :
- le Front National pesant plus de 15 % à une Présidentielle n'a pas de député à l'Assemblée Nationale, est-ce normal, démocratiquement parlant ?
- le MoDem pesant plus de 15 % à la dernière Présidentielle n'a que 4 députés à l'Assemblée, celle-ci étant constituée de 577 membres.

Peut-être qu'une dose de proportionnelle de l'ordre de 20 à 30 %, voire plus, apporterait une meilleure répartition des sièges au sein de l'Assemblée Nationale, du moins, une répartition à l'image de l'électorat ?

La proportionnelle a cependant le défaut de brouiller le message politique une fois l'élection passée, et peut conduire à l'immobilisme, comme ce fut le cas sous les IIIe et IVe République, où l'instabilité gouvernementale était la règle.

Il n'est pas bon, pour la vitalité de la Démocratie, qu'un bipartisme s'impose de manière trop brutale.

Une Présidentielle se fait principalement en fonction d'une personnalité (et d'un programme bien sûr), mais il est indiscutable que les autres formations politiques ont un poids plus ou moins important dans le paysage politique, d'où cette fois, la problématique des quotas, liée à la réflexion proportionnelle / majoritaire :
- aux Européennes, une liste atteignant les 5 % aura, au moins un député au Parlement de Strasbourg.
- aux Législatives, un candidat faisant moins de 12,5 % (électeurs inscrits), ne sera pas présent au second tour de scrutin.

Il n'y a donc pas, aujourd'hui, en France, une représentation équitable des forces politiques, au sein du Parlement national. Il est impératif d'apporter des réponses à ce genre de problème, la dernière réforme Constitutionnelle n'allant pas assez loin dans cette réflexion.



Avant de revenir sur les enjeux des prochaines Régionales, il est important de rappeler l'enjeu des Européennes à quelques semaines de l'échéance électorale.

Le Parlement Européen va être renouveler entièrement, avec une nouvelle répartition des sièges, du fait de l'entrée en 2007, de nouveaux États membres:
- jusqu'au 07 juin, le Parlement de Strasbourg compte 785 euro-député(e)s.
- à partir du 07 juin, ce Parlement sera réduit à 736 euro-député(e)s.
L'élargissement de 2007 avait en effet augmenté le nombre de député(e)s.

Ces nouvelles règles bousculent aussi nos propres règles, dans le sens, où la France n'enverra "que" 72 euro-député(e)s contre 78 actuellement, d'où la relative "peur" des différentes listes.

La prochaine coloration dominante du Parlement européen aura une importance non-négligeable pour la politique européenne à venir. Les euro-députés approuvent notamment la personnalité désignée par le Conseil européen pour présider la Commission européenne; ils approuvent ou rejettent également les autres membres de la Commission européenne.
Pour la Gauche européenne, notamment le Parti Socialiste Européen, les Européennes 2009 sont une occasion pour renverser la majorité parlementaire et ainsi permettre la nomination d'une Commission plus à gauche.


Actuellement, les 4 principales instances européennes, à savoir, le Conseil Européen composé des Chefs d'Etats / de Gouvernement, le Conseil de l'Union Européenne composé des Ministres, le Parlement et la Commission, sont dominées par la Droite européenne.

Seuls 67 sièges séparent le Parti Populaire Européen (PPE), dans lequel siègent les députés UMP; du PSE.
La Gauche européenne a donc une importante carte à jouer dans cette élection, d'autant plus que, pour la première fois, les 27 partis socialistes et sociaux-démocrates de l'Union Européenne, ont rédigés un programme commun, à savoir le "Manifesto".

Les Européennes détiennent cependant le record concernant le taux d'abstention.
Ces élections ne passionnent pas les citoyens, français et européens; notamment du fait, des nombreux préjugés sur les institutions européennes.
Le Parlement qui, depuis 1979 est élu au suffrage universel direct, a pourtant un rôle de plus en plus important, du fait des diverses réformes intervenues depuis sa création. Il vote ainsi le Budget de l'Union et dispose d'un droit de rejet (à la majorité des députés et à la majorité des 2/3). C'est le Président du Parlement qui arrête de manière définitive le Budget.
Outre le pouvoir budgétaire, le Parlement européen dispose de prérogatives étendues en matières de décisions, avec une procédure de coopération (introduite en 1986), une procédure de codécision (depuis le Traité de Maastricht 1992, permettant notamment au Parlement de rejeter un texte communautaire présenté par le Conseil de l'Union Européenne), la procédure dite de l'avis simple et enfin la procédure de l'avis conforme où l'avis du Parlement est exigé mais est aussi obligatoire; en liant ainsi le Parlement au Conseil, le premier dispose d'un pouvoir proche du veto.

L'importance des décisions prises par l'Union Européenne n'est pas négligeable : aujourd'hui, 7 textes à valeurs législatifs sur 10, sont édictés au sein des instances européennes.
Le Parlement est la seule instance démocratiquement élue.


Le choix des citoyens européens, le 07 juin prochain sera donc primordial, pour les futures décisions prises, à Strasbourg ou Bruxelles.
La mobilisation citoyenne, le sursaut citoyen, doit intervenir.

- Quelle Europe désirons-nous ?

En 1957, la coopération du Charbon et de l'Acier, deux matières symboliques à cette époque (matériaux de guerre) fut une réussite. Les fondateurs de l'Europe, notamment Robert Schuman et Jean Monnet, appelaient de leurs voeux une Europe indépendante des Etats-Unis, construite via une politique de "petits-pas". Les actuels et futurs dirigeants européens ne doivent pas perdre cette notion première.

Les Européennes permettront, à une certaine échelle, de déterminer le rapport de force en France, notamment :

- la place de la Gauche, depuis 2007 et la Présidentielle perdue.
- le niveau du socle électoral de l'UMP.

Ces élections permettront par ailleurs de préparer les échéances futures à commencer par les Régionales 2010, qui seront réellement les élections du "Mid Term", avec là aussi plusieurs questions concernant le rapport des forces politiques; la Gauche ayant le défi de conserver les Régions gagnées en 2004, la Droite ayant une quasi-obligation, de reprendre des Régions-clefs.

Les Régionales 2010, seront particulièrement intéressantes à suivre dans plusieurs territoires :

- Ile-de-France, bien sûr
- Poitou-Charentes, ex-terre de Droite, enlevée haut la main en 2004 par Ségolène Royal, candidate socialiste à la Présidentielle de 2007 et seule femme Présidente d'un exécutif régionale
- Languedoc-Roussillon, avec un risque de divisions des Gauches, compte-tenu de la personnalité de Georges Frêche notamment
- Rhônes-Alpes
- Auvergne, ex-terre de Droite, ancien fief de Valéry Giscard d'Estaing, avec là aussi un risque de divisions
- Provence-Alpes-Côtes d'Azur
- et enfin, Nord-Pas-de-Calais

Plusieurs Régions, notamment le Nord-Pas-de-Calais et le Languedoc-Roussillon, ont habituellement un taux élevé du vote frontiste. Qu'en sera-t-il en 2010 ?

La position d'Olivier Besancenot et de son Nouveau Parti Anti-Capitaliste (NPA) sera aussi intéressante à suivre. En 2004, il déclarait ainsi au soir du second tour, ne "pas faire confiance à la Gauche" à propos de la gestion régionale. L'Extrême-Gauche n'avait alors pas donnée de consigne de vote.

Enfin, après l'avoir évoqué quelques lignes plus haut, l'Ile-de-France constituera un véritable enjeu, notamment avec le projet de "Grand Paris" officiellement annoncé, il y a quelques semaines".

Cette analyse transmise par M. Kévin Bernardi, internaute très actif, contient un excellent résumé de tous les enjeux politiques du scrutin du 7 juin.

De façon plus ponctuelle, si les actuels sondages devaient se confirmer en plaçant l'UMP en 1er parti de France, ce scrutin ouvrirait aussi le débat sur les raisons de l'échec du PS à "capitaliser" le transfert d'insatisfactions. Dans ce débat, Ségolène Royal deviendrait-elle victime ou actrice de cet échec ? Dans ce contexte nouveau, elle apparaît véritablement à la croisée des chemins.

  • Publié le 21 mai 2009

Partagez cet article :

Exprimez votre avis :