Manuel Valls et l'émergence du fait religieux dans la vie politique française
La France est un pays profondément marqué par la religion catholique, même si la place de l’Eglise s’est considérablement réduite ces dernières décennies.
Quand on parle «d’amenuisement» de la place de la religion catholique encore faut-il avoir des repères précis.
Au début des années 50, pour 42 % des personnes, soit près d’un Français sur deux, la foi occupait une place importante dans les décisions de la vie de tous les jours.
Ce chiffre est passé à 38 %. C’est une diminution mais pas nécessairement une diminution aussi importante que la tendance que l’on croit pouvoir observer.
Dans l’histoire Française, le vrai tournant est la vulgarisation de la philosophie des Lumières. Les partisans de la Révolution Française de 1789 voyaient dans l’Eglise catholique une alliée de la monarchie contre laquelle ils entendaient lutter. Par conséquent, lutter contre la monarchie et lutter contre l’Eglise constituaient deux combats identiques. D’où cette première conception de la République fondamentalement anti-cléricale.
D’où aussi, à cette époque, l’image de l’instituteur, gardien des valeurs républicaines, qui était supposé incarner dans chaque village de France le «concurrent» du curé.
D’où enfin cette logique de laïcité qui porte une conception de l’Etat neutre devant laisser la religion à l’extérieur des services publics.
Cette approche a permis d’émanciper les religions minoritaires : le protestantisme et le judaïsme.
Dans cette logique, la religion relève du strict domaine de la vie privée.
Toute cette logique ne peut qu’être sérieusement ébranlée par l’émergence de l’islam qui est désormais la deuxième religion de France. C’est une émergence qui a connu une accélération considérable.
En 1965, il y avait en France 4 mosquées constitutives officiellement de lieux de prières pour musulmans.
Il y a aujourd’hui officiellement plus de 900 imams et près de 2 000 lieux de prières…
La France compte désormais plus de 5 millions de musulmans. Cette religion a des repères fondamentaux qui structurellement sont peu compatibles avec la laïcité de la société française.
Les enquêtes montrent en effet que la très grande majorité des musulmans (87 %) pensent que l’islam ne peut être séparé des lois de la République. C’est un 1er signal d’alerte pour une conception majeure dans l’organisation de la société Française.
Mais surtout, cette tendance religieuse est très présente chez les jeunes. Les jeunes ont une extrême sensibilité à des combats internationaux de «leur religion». La guerre en Irak, le conflit israélo-palestinien, les attentats intégristes sont de réels centres d’intérêt et de mobilisation pour eux.
Ce second élément constitue lui aussi un indicateur d’alerte important qui prend actuellement une ampleur particulière.
C’est ce climat qui porte en lui une poussée indiscutable et particulièrement préoccupante des actes d’antisémitisme en France. Là aussi des repères chiffrés sont plus explicites que de longues démonstrations.
En 1999, 9 actes de violence avaient été recensés dans ce cadre. La barrière des 100 actes de violence a été franchie en 2000. Leur fréquence et leur gravité sont directement liées à l’évolution de la situation au Proche-Orient. Ces chiffres anciens sont aujourd'hui des repères totalement dépassés.
Cette situation doit être regardée en face. Elle mérite une large et forte mobilisation collective. Elle traduit un échec de l’intégration républicaine. Elle porte en elle une échelle de risques multiples et d’une profonde gravité.
Notre Etat doit donc partir à la reconquête du terrain perdu pour réaffirmer ses valeurs fondatrices dont la laïcité dans des circonstances nouvelles qui interpellent tout pouvoir.
Manuel Valls est confronté désormais au fait religieux dans des conditions inédites qui vont imposer des choix clairs à peine d'une extrême radicalisation de chacune des composantes de la communauté française.