Justin Trudeau et la capacité à faire vivre une "nouvelle campagne Obama"
De toutes les campagnes à vivre en 2015, celle qui peut le plus faire bouger les lignes est celle de Justin Trudeau au Canada.
D'abord, la démocratie canadienne est l'une des démocraties parmi les plus efficaces, dynamiques, modernes.
Ensuite, Justin Trudeau capitalise toutes les caractéristiques, parfois même à l'excès, du leader charismatique moderne.
Enfin, à partir de son actuelle pré-campagne, il est en ligne pour vivre une belle campagne, imaginative, fraîche, de son "époque" et marquant son époque.
Qu'est ce qu'une "campagne Obama" ?
Une "campagne Obama", c'est la capacité à rassembler 7 éléments fondateurs :
1) Installer une cause au centre du vote qui devient alors un "référendum" sur la cause davantage qu'un vote général.
2) Compléter de façon efficace les atouts du "on line" avec ceux du "off line".
3) Etre performant sur le plan financier. Il importe de se rappeler en permanence qu'en 2008, Obama a levé 750 millions de dollars quand McCain en levait 350.
4) Faire "vivre la cause" sur le terrain par la mobilisation des militants qui s'approprient la campagne. En 2008, Obama a compté jusqu'à 2 700 organisateurs de terrain rémunérés représentant 23 % du budget de campagne.
5) Aller là où sont les gens : c'est l'immersion permanente.
6) Accepter et vivre de façon permanente la segmentation communautaire en refusant la logique ancienne de la communication dite de masse.
7) Surtout devenir attractif pour l'électorat flottant.
Ces éléments fondateurs peuvent-ils être "repris" ?
Sur ces 7 éléments, Justin Trudeau est bien placé sur 5 d'entre eux.
Il y a deux domaines où il est en retard : les finances et la logistique du terrain.
Il a du retard sur le plan financier face aux conservateurs. C'est un retard constant qui progressivement en cumulé commence quand même à signifier que dans la dernière ligne droite un déséquilibre des moyens peut devenir risqué.
Le véritable décalage intervient sur le volet des électeurs flottants. La personnalité plus clivante de Justin Trudeau donnera-t-elle prise à des campagnes négatives qui vont viser à éloigner de lui les indécis ?
Pendant la campagne 2008, Obama a été bénéficiaire d'un rejet historique de GW Bush. mais surtout, il a fait du "consensuel" dans des proportions inédites. Son déplacement international de juillet 2008 lui a donné une dimension très consensuelle allant sur les "terres républicaines" dans l'expression des valeurs les plus admises sur lesquelles les démocrates étaient perçus comme fragiles.
Sa logistique du terrain ont fait que dans la dernière ligne droite l'équipe Obama a géré 13 millions d'adresses mails très renseignées quand seulement 4 ans plus tôt l'équipe de Kerry en avait géré 3 millions sur des bases renseignées assurant des messages personnalisés répondant à des centres d'intérêts.
C'est le rendez-vous le plus intéressant de 2015 et probablement le plus instructif sur le marketing public moderne.