Eau : les Agences de l'Eau fragilisées au pire moment
Les perspectives de fortes ponctions financières de l'Etat sur les budgets des Agences de l'Eau vont créer de nouveaux et graves déséquilibres dans une politique de l'eau en France déjà exposée à des défis non livrés.
En matière d’eau, la France est un pays non performant qui s’ignore. Au cours des dernières décennies, les polémiques ont trop souvent régné. Des sociétés privées particulièrement efficaces ont été décriées sur des bases souvent erronées et pour des motifs qui occultent leur savoir faire comme leurs apports de longue date. Des annonces ponctuelles éloignent des priorités durables.
En France, l’eau est malade de polémiques déconnectées des réalités comme des vrais enjeux.
L’eau est malade des hypocrisies. Aujourd’hui, nous sommes surtout en présence d’acteurs de pollution diffuse. La question n’est donc plus de désigner les fautifs, déculpabilisant chacun, mais de bien mobiliser chacun pour la qualité de l’eau de tous.
L’eau est malade des oublis de l’homme. De tous temps, le principal défi a été celui de la gestion des ressources naturelles de la planète. Les eaux douces ont toujours accompagné les mouvements humains puisqu’elles sont indispensables à la survie. Comme la chasse et l’agriculture, l’approvisionnement en eau a marqué les principales étapes des implantations de l’humanité. Les anciennes civilisations ont voué aux fleuves des rituels incomparables. « L’Egypte est un don du Nil » a écrit Hérodote. Le croissant fertile devait, par l’irrigation et la domestication de ses fleuves, connaître les plus belles heures de son Histoire. Il en fut de même en Asie, en Chine, en Amérique Latine. Dans les régions dépourvues d’eau, cette dernière devenait vite l’objet de contentieux et de conflits. Ces enseignements de l’histoire ne doivent jamais être oubliés.
L’eau est malade d’une politisation croissante. L’opposition d’intérêts entre la puissance publique et les sociétés privées ne résiste pas à l’examen sérieux des faits. Elle ne résiste pas davantage à l’examen des réalités historiques et encore moins à l’examen des enjeux prioritaires durables.
Cette situation fait naître bon nombre de lignes d’horizon dans le débat sur l’eau qui sont des lignes d’illusions.
Il est question d’eau d’alimentation. Il faudrait d’abord s’interroger sur les eaux usées. Un pays qui ne traite pas correctement ses eaux usées ne peut prétendre fournir aux usagers une eau potable de qualité. Or, en France, un tiers seulement de la pollution domestique est actuellement réellement éliminé.
Dans le même esprit, le débat public concerne souvent prioritairement les pollutions accidentelles. Ce sont les plus spectaculaires pour l’opinion publique. Le mal réel relève davantage des pollutions diffuses. Plus sournoises et permanentes, moins faciles à identifier, elles sont une cause structurelle de première gravité.
Troisième leurre, le discours public évoque l’évolution du prix de l’eau pour le consommateur. La préférence devrait être donnée à la part de fiscalité accordée à cette ressource naturelle, patrimoine de tous, réel service public et non pas simple produit marchand.
De même, il est essentiellement question d’aides financières. Il devrait d’abord être question d’aides techniques par un renforcement d’un pouvoir extérieur d’expertise au service des Communes.
Quatrième leurre, la qualité du service serait compatible avec la diminution du prix. Aucun service public ou privé ne peut se situer durablement dans une telle logique sauf à identifier des économies qui n’entachent pas à terme la qualité même du service.
Pour agir de façon sérieuse, l’amélioration de la perception de la réalité des enjeux est un préalable impératif.
Il ne peut y avoir de gestion efficace d’un secteur sans un gestionnaire efficace. Le premier handicap du droit de l’eau est un pouvoir excessivement éclaté.
De même, dans l’exercice des compétences reconnues, l’autorité en question doit-elle disposer d’un cadre cohérent d’actions. Le second handicap de l’actuel droit de l’eau est que non seulement les intervenants sont trop nombreux mais que le principal acteur financier dans ce domaine est paralysé par le cadre d’exercice de ses prérogatives.
Ces deux défis sont les vocations des Agences de l'Eau. Si elles n'ont plus les moyens financiers nécessaires, c'est toute la cohérence de la politique de l'eau qui sera fragilisée au moment où les Agences de l'Eau devraient en être les garantes.
C'est une évolution d'autant plus inquiétante que le débat sur le réchauffement climatique montre l'immensité des enjeux dont la protection de la ressource en eau, donc sa bonne gestion.