Le Front National installé au "centre" de la vie politique
A la demande de Marianne, Harris Interactive a interrogé les Français sur des hypothèses de rapprochement entre l'UMP et le Front National : quelle serait l'attitude des sympathisants respectifs de ces deux formations vis-à-vis d'éventuelles alliances électorales ? Quels choix feraient ces sympathisants s'ils devaient être amenés à privilégier entre l'autre parti et la Gauche ? Plus généralement, quels sont les domaines pour lesquels les Français perçoivent une proximité entre l'UMP et le Front National ? Et identifient-ils un socle de valeurs commun aux deux partis ?
Que retenir de cette enquête ?
Dans l'optique des élections régionales de 2015, une majorité de sympathisants de l'UMP (55%), et plus encore de sympathisants du Front National (64%), déclarent souhaiter une alliance électorale au second tour entre leurs deux partis. Dans le détail, ce soutien apparaît divisé entre une part des sympathisants appelant un accord quel que soit le contexte (15% parmi ceux de l'UMP et 25% parmi ceux du FN), et une autre se disant ouverte à ce type d'ententes uniquement dans le cas où elles éviteraient une défaite électorale contre la Gauche (respectivement 40% et 39%). Ainsi, seuls 45% des sympathisants de l'UMP et 36% de ceux du Front National se déclarent hostiles à ce type d'alliances. Observons, à ce stade, que les sympathisants FN sont plus favorables à des alliances que ceux de l'UMP.
Avec l'élection de Marine Le Pen à la tête du Front National en janvier 2011, le parti frontiste a opté pour une stratégie de « dédiabolisation » et d'ouverture à d'éventuelles ententes électorales, locales dans un premier temps. Près de quatre ans après la prise de fonction de la présidente du FN, un sympathisant de l'UMP sur cinq (21%) appelé à indiquer leur préférence entre un président de région socialiste ou Front national, indique opter pour ce dernier, soit une préférence quatre fois supérieure à celle d'une hypothèse de Gauche (5%). Dans le cas inverse, 44% des sympathisants du Front National indiquent préférer être gouvernés par un président de région issu des rangs de l'UMP plutôt que du PS (2% des préférences pour cette dernière hypothèse).
Néanmoins, une majorité des sympathisants des deux partis (72% à l'UMP, 53% au FN) refusent de choisir et s'inscrivent, de fait, dans une position de « ni-ni », proche de celle prônée par l'UMP, notamment à l'occasion des élections législatives de 2012 et municipales de 2014 dans les circonscriptions où le parti ne pouvait pas se maintenir au second tour.
Au-delà du choix des sympathisants de ces deux partis, se pose la question de la perception de leur positionnement et de la proximité entre leurs propositions. Un Français sur dix (10%) déclare observer une correspondance entre le positionnement idéologique de l'UMP et celui du FN sur toutes les dimensions testées, opinion particulièrement partagée par les sympathisants du Front National (26%) et, dans une moindre mesure, de l'UMP (12%). Inversement, près d'un Français sur cinq (19%) ne voit aucun point commun entre le positionnement des deux formations de Droite et d'Extrême-Droite, proportion particulièrement élevée parmi les sympathisants du Front de Gauche (40%), les Français ne déclarant aucune préférence partisane (30%), ainsi que les sympathisants du Front National (28%).
Dans le détail, une majorité de Français identifie une proximité entre les positionnements de l'UMP et du FN sur la sécurité (60%, dont 17% de très proches), l'immigration (53% dont 18% de très proches) et la famille (53% dont 10% de très proches).
Les nuances entre les propositions concernant ces sujets, traditionnellement au coeur du projet politique de la Droite, s'avèrent logiquement moins identifiées par les sympathisants de Gauche que par ceux de l'UMP et du FN, premiers concernés, qui se distinguent par leur aptitude à mieux différencier les deux projets (dans une certaine mesure seulement, les propositions restant néanmoins similaires pour près d'un sympathisant sur deux).
Dans une moindre mesure, des similitudes de programmes sont repérées par près de quatre Français sur dix en ce qui concerne les impôts (41%), le pouvoir d'achat (39%), la place de la France dans le monde (38%), l'emploi (38%) et la croissance (36%). Fait notoire, sur ces cinq dimensions à dominante économique, les sympathisants de l'UMP et du FN identifient davantage que leurs concitoyens la proximité des deux partis sur ces sujets. Enfin, dans un contexte où le FN assume une ligne eurosceptique plus des trois quarts (76%) des Français perçoivent une divergence entre ces deux partis en ce qui concerne la construction européenne.
Plus globalement, lorsque les Français sont interrogés sur le socle de valeurs fondamentales que pourraient partager l'UMP et le Front National, les réponses obtenues reflètent une difficulté à s'accorder sur une tendance précise : ils se divisent en deux groupes d'effectifs comparables (47% affirment une majorité de valeurs communes et 52% soutiennent le contraire). Tout comme pour les propositions, les sympathisants de Gauche saisissent plus difficilement les nuances du coeur idéologique de la Droite et défendent majoritairement l'idée d'une unité de valeurs entre l'UMP et le FN (63%). A l'inverse, les sympathisants de l'UMP (68%), et plus encore ceux de l'UDI (69%), prennent le soin de distinguer en termes de corpus de valeurs le parti de la Droite « républicaine » du Front National. Les sympathisants du parti frontiste se disent quant à eux plus positifs sur ce partage de valeurs (51%), bien qu'il ne convainque qu'un peu plus d'un sympathisant frontiste sur deux.
Progressivement, une nouvelle réalité politique est née.
Cette réalité va trouver une probable dimension nouvelle avec les élections cantonales de mars 2015. Les conditions techniques du maintien au second tour (12,5 % des inscrit) vont faire éclater au grand jour la dimension nouvelle du Front national.
Dans de très nombreux endroits, le second tour va revêtir un arbitrage face à ce parti.
Depuis deux ans avec la progression considérable du Front national, une nouvelle vie politique française est bien née.
Méthodologie : enquête réalisée en ligne du 21 au 24 novembre 2014. Echantillon de 1 561 personnes représentatif de la population française âgée d'au moins 18 ans, à partir de l'access panel Harris Interactive. Méthode des quotas et redressement appliquée aux variables suivantes : sexe, âge, catégorie socioprofessionnelle et région d'habitation de l'interviewé(e).