Manuel Valls sur le chemin de Tony Blair ?

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Qu'est ce que la "réalité Tony Blair" ?

Mai 1997 : l’Europe découvre un jeune Premier Ministre Britannique qui vient de mettre un terme à un record historique de Gouvernement conservateur. Il est toujours souriant, apparaît frais et innocent. Sa victoire ne doit pour autant rien au hasard ou aux bonnes fées. Il l’a conquise à la force du poignet en prenant le meilleur des avancées dans les techniques modernes de communication.

Sa victoire est d’abord celle d’un remarquable professionnel préparé comme «pour un débarquement» selon la formule en vogue à Londres à cette époque.

A l’approche des élections, son parti « New Labour » a installé Excalibur. C’est un super-ordinateur qui en 30 minutes met en évidence les contradictions des concurrents, les votes emblématiques, les déclarations enflammées… Derrière ce nom barbare figure surtout une méthode qui a intégré toutes les avancées en matière de communication moderne.

Voilà quelques unes des mesures adoptées à cette époque.

Tout d’abord, grâce à la qualité de la démocratie britannique, un shadow cabinet a été constitué. Les secrétaires généraux des principales administrations ont été autorisés à venir exposer les principaux dossiers et répondre aux questions. Sur cette base intégrant des contraintes légitimes de gouvernement, le programme a été construit en faisant appel aux productions de think tanks. Ces clubs de réflexion privés ont planché sur des sujets politiques très pointus. Le service communication a alors bâti le programme du leader travailliste en «nourrissant la presse» en permanence. Cette «méthode Deaver» consiste à planifier l’information pour ne jamais se retrouver en position défensive face aux médias. Une matière choisie lui est ainsi donnée comme sujet quotidien de traitement. C’est l’inversion du système.

Tony Blair in Washington

Deuxième point majeur, dans cette matière, tout repose sur l’image. L’image prime toujours. Quand il y a choc entre l’œil et l’oreille, les études montrent que l’œil l’emporte systématiquement. Le spectateur retient ce qu’il a vu infiniment plus que ce qu’il a entendu. Tout le professionnalisme consiste à ce que l’image porte le bon message au bon moment pour les bonnes cibles.

Chaque relais de la campagne dont les candidats aux législatives est équipé d’un pager et d’un fax. Chaque demi-journée, chacun d’entre eux reçoit les messages du jour à délivrer à la presse, aux opposants…

Ce modèle a été poussée à son extrême performance par R. Wirthlin, proche conseiller de Ronald Reagan. Les membres de l’équipe de Richard Wirthlin ont indiqué ultérieurement que les enseignements étaient donnés en moyenne en 47 secondes après avoir questionné l’ordinateur. Leur méthode avait consisté à rassembler les informations disponibles sur les comportements électoraux de 480 catégories d’électeurs distinguées selon leur lieu de résidence, leur sexe, leur âge, leur catégorie socio-professionnelle, leur religion, leur pouvoir d’achat…

Les conservateurs avaient installé un appareil performant ( un 80 000 ICL ME29 ) auquel les travaillistes ont attribué beaucoup de victoires de M. Thatcher. En 1997, ils ont relevé le défi. La «méthode Wirthlin» ne consiste pas à déterminer des intentions de votes mais des critères de comportements électoraux. Cette différence permet d’explorer les stratégies et de déterminer les choix les plus efficaces. Cette méthode est celle qui a conduit à la victoire en mai 1997. Au pouvoir Tony Blair a appliqué les méthodes de «campagne permanente».

Lors de la dernière campagne de mai 2005 marquée par un nouveau succès dans des circonstances particulièrement délicates en raison de l’engagement en Irak, Tony Blair a gardé une « communication d’avance » tant sur le fond que sur la forme. Sur le fond, il a accepté d’assumer le face à face avec les citoyens dans des conditions que peu de leaders contemporains ont mis en œuvre. Il en enduré les reproches, les colères … dans des conditions qui ne pouvaient que susciter l’émotion voire le soutien. La colère s’est alors exprimée dans la campagne électorale et non pas par le vote. Le vote est intervenu dans un contexte différent puisque la violence des critiques avait «purgé» le climat et permis presque un retour d’opinions favorables considérant que Tony Blair ne méritait pas de tels reproches.

Sur tous ces points, il restera bien un modèle Tony Blair qui s’est avéré le meilleur en matière de communication. Il a été capable de réformer la GB dans des conditions historiques. Il en fut de même de la doctrine travailliste. Seule la guerre d’Irak suscite des controverses multiples.
Il s’est engagé en ayant la conviction intime qu’il était bien qu’il en soit ainsi.

Tony Blair in Washington

Que montre cette réalité ?

1) Tony Blair a été un chef de parti, le mobilisant dans des conquêtes électorales permanentes. Manuel Valls n'est pas le chef du PS. Et le PS est désemparé après les échecs des municipales et approche probablement de deux échecs forts : cantonales et régionales 2015.

2) Sur le fond, Tony Blair a opéré un "passage en force" auprès du parti grâce au soutien de l'opinion dans une logique de démocratie directe permanente. Manuel Valls est coupé de l'opinion parce qu'il est scotché à l'image dramatique de François Hollande.

Par conséquent, le rapprochement est techniquement impossible. Il ne deviendrait possible qu'après un passage du PS dans l'opposition nationale lui ouvrant une remise en cause en profondeur. Dans l'attente, toute similitude n'est qu'un coup de com sans fondement réel.




  • Publié le 7 décembre 2014

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