Denis Bonzy : Le Monde et le débat utile sur la plume de Barack Obama
Il y a trois jours, le quotidien Le Monde a donné à juste titre un coup de projecteur sur la "nouvelle" plume de Barack Obama : Cody Keenan.
C'est un éclairage nécessaire.
D'abord, parce que le rythme d'une campagne américaine est tel que le candidat a d'abord une fonction de représentation et de décisions mais pas de rédaction. Les Etats-Unis, à la différence de la France, ont été depuis longtemps les premiers à reconnaître officiellement la fonction de speechwriter.
La France, parmi les multiples sujets encore tabous sur la politique française, orchestre toujours le mythe du "politique qui rédige lui-même" ses discours ...
Ensuite, parce que le profil du rédacteur va occuper une place déterminante dans la production du discours. C'est d'ailleurs dans ce choix que le responsable politique retrouve son importance.
Enfin, parce que le discours est bref et qu'un discours bref est considérablement plus difficile à rédiger qu'un discours long. Un discours bref (moins de 10 minutes) impose de bien hiérarchiser les thèmes, de raccourcir les démonstrations sans qu'elles perdent en cohérence ...
Ces préalables effectués, pourquoi Barack Obama déçoit dans ses discours depuis 2012 ?
Pour 4 raisons :
1) L'effet surprise ne joue plus : cela peut paraître anodin mais c'est un impact fort. De 2007 à 2010, cet effet surprise a beaucoup compté. Ses discours avaient du fond et de la forme atypiques.
2) La dimension personnelle du discours a fondu : un bon discours repose sur une dimension personnelle donnée à un thème. C'était le point fort de la rédaction de Jon Favreau : le discours était la vie donc une succession d'émotions. Dès que la dimension personnelle diminue notamment en faveur de la simple technique, le discours perd en émotion.
3) Barack Obama n'a pas renouvelé son contenu : par conséquent, il est très difficile de garder un niveau élevé de qualité sur des thèmes récurrents où les ancrages ont déjà été posés par le passé.
4) C'est tout le rythme du renouvellement des équipes présidentielles qui se pose bien au-delà des seules rédactions de discours : Clinton avait déjà été confronté à ce défi. Le second mandat est souvent perçu comme celui où les équipes initiales "prennent leurs distances pour voler de leurs propres ailes". Dans le cas de Barack Obama, cette tendance s'est terriblement accélérée.
Dès 2010, les départs sont intervenus. Puis en 2012 après le succès de la seconde présidentielle, l'équipe de 2007 a été entièrement changée. Le niveau de délégation est tellement élevé que des tiers peuvent avoir le sentiment de "découvrir" un nouveau Président.
La réalité est toute autre. Ceux qui scénarisaient hier le Président ont changé et la forme comme le fond ont changé aussi en conséquence.
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Le quotidien Le Monde a eu raison de jeter ce focus sur la rédaction des discours parce que c'est la réalité de toute l'organisation présidentielle qui est ainsi mise en lumière dans un cadre concret.
Denis Bonzy