Alain Juppé et le besoin de contrastes
Actuellement, dans aucune démocratie moderne comparable à la France, aucun leader ne crée l'écart dans une campagne électorale sur la base d'un "changement doux". Partout, le système politique en place est perçu comme frappé par des vices si nombreux que c'est la course aux ruptures fortes, brutales, radicales qui fait la différence.
Pourquoi la France échapperait-elle à cette tendance lourde dans un pays où les deux premiers "partis" sont l'abstention et le Front National, deux marqueurs de défiance face au système politique ?
C'est la question principale à laquelle Alain Juppé doit répondre au moment où la France est manifestement en décalage sur toutes les attitudes à prendre.
La crise boursière de la Chine met en relief les décalages. Avec l'actuelle question sur le taux de croissance de l'économie chinoise et les conséquences pour l'économie mondiale, il y a en effet une question que les français devraient se poser : la France pourrait-elle supporter un choc économique de ce type en plus de celui de 2008 ? La réponse est non.
Il faut avoir à l'esprit que depuis 2008 les "secrets" pour réussir au niveau des économies des pays n'ont jamais été aussi publics et largement diffusés.
Pour l'essentiel, ils sont au nombre de 8. Et à chaque étape de ces 8 règles de fond, la France est à ... l'opposé.
1) Entretenir la capacité à l'action. Or la France est immobile, figée.
2) Agir avec des états-majors peu nombreux et à partir de règles simples. En France presque tout est lourd et avec des règles compliquées.
3) Croire en des valeurs optimistes qui ne peuvent se réduire aux seuls résultats financiers. En France, l'optimisme n'est plus chez lui depuis longtemps et l'une des originalités inattendues de l'actuel pouvoir c'est de tout ramener à des valeurs financières : réduire les déficits, diminuer les impôts ...
4) Installer la flexibilité pour s'adapter en permanence. En France, la flexibilité est sacrifiée pour la lourdeur des contrôles.
5) Donner la priorité au pragmatisme des réalités de la vie. En France, c'est l'intangibilité de la loi qui fixe tout.
6) Chercher l'adhésion pour optimiser les actions. En France, c'est toujours la hiérarchie et son autorité implacable qui restent le point de passage préalable obligé.
7) Favoriser l'autonomie de l'esprit d'entreprise dans des petites structures. En France, la recherche va d'abord à la protection de la grosse entreprise.
8) Toujours renforcer ses points forts et ne pas s'obstiner à sauver ses points faibles. En France, toute l'attention va aux points faibles à ne pas contester et à ... conforter.
Froidement, la France est à l'opposé de tous les réflexes du succès désormais admis partout ailleurs. Mais elle se drape dans son arrogance habituelle pour ignorer les réalités admises par les autres.
Ce sont des sujets de ce type qui correspondent aux attentes des Français.
La rentrée de septembre 2015 est d'abord pour Alain Juppé celle des contrastes à faire vivre car la "vague des sondages" se modifie vite quand le temps actif de la campagne électorale s'ouvre et que les électorats se ré-ancrent sur des bases politiques plus classiques.