Jean Daniel Lévy (Harris Interactive) et la percée de Jean Luc Mélenchon
Les temps actuels de crise font naître des structurations évolutives de l'opinion dont la percée de Jean Luc Mélenchon.
1. Délits d'Opinion : François Hollande et Manuel Valls enregistrent une baisse de la confiance à leur égard ce mois-ci. Est-ce un échec de la stratégie de communication du « Ça va mieux ? »
Jean-Daniel Lévy : Ce qui apparait certain, c'est que - sur le court terme - cet axe de communication n'a pas d'impact positif sur la confiance exprimée à l'égard de l'exécutif. Avec respectivement 19% (-2) et 22% (-3) des Français leur accordant leur confiance, François Hollande comme Manuel Valls voient leur cotes décliner. Ce qui constitue une inflexion pour le Président (après deux mois de hausse) et une tendance continue pour le Premier ministre. Jamais le score de Manuel Valls n'a été aussi faible. Jamais l'écart entre les deux têtes de l'exécutif n'a été aussi réduit. Chez le Premier ministre, les deux Gauches irréconciliables auxquelles il a fait référence se manifestent dans le cadre de cette enquête : 58% de confiance parmi les sympathisants du Parti socialiste, 5% chez les proches du Front de Gauche.
Reste qu'interrogés spontanément, les Français - qu'ils leur accordent ou pas leur confiance - n'usent pas du vocable « ça va mieux ». Ni en positif, ni pour railler ce terme. La tension sociale joue à l'égard du Président, l'attitude pour le Premier ministre.
2. Délits d'Opinion : Quels sont les Ministres pénalisés par la situation actuelle de la France, entre grèves et blocages ?
Jean-Daniel Lévy : Et surtout violences... Bernard Cazeneuve, avec -7 points, pâtit des violences orchestrées par des manifestants. Le Ministre de l'Intérieur perd de la confiance dans toutes les catégories d'âge (-10 chez les moins de 35 ans, -11 chez les personnes âgées de 65 ans et plus), chez les personnes ayant peu de revenus comme les plus aisées, chez les sympathisants de Gauche (-8, hormis au PS +3).
En France, on le sait, l'État est attendu pour maintenir l'ordre. Et, quand bien même les revendications pourraient apparaitre justifiées, la fin ne justifie pas les moyens. Le pouvoir politique est sanctionné lorsqu'il donne le sentiment de ne pas avoir la maîtrise. On se rappellera, d'ailleurs, qu'après Mai 68, la France s'est dotée d'une chambre bleue horizon. Myriam El Khomri ne voit pas sa cote véritablement évoluer. Pour des raisons diverses - alors que le chômage baisse nettement pour le deuxième mois consécutif - les deux Ministres en charge de l'Économie et des Finances suscitent moins de confiance que fin avril. Michel Sapin peut-être en raison de la manière dont il a pu s'adresser à une journaliste, les mentions à cet événement ayant été réactivées au moment de l'affaire Baupin. Emmanuel Macron sans doute du fait de son exposition personnelle plus forte que par le passé (-8 au Parti Socialiste, -9 à Gauche d'une manière générale ; + 2 à Droite dont +3 chez Les Républicains). Et, évidemment, en dehors de ces ministres, le chef de Gouvernement Manuel Valls, qui est en première ligne.
3. Délits d'Opinion : Comment évoluent les cotes de confiance des candidats déclarés ou potentiels à la primaire de Droite ? Alain Juppé pâtît-il de son statut de favori et des attaques à son encontre ?
Jean-Daniel Lévy : Les mouvements auprès de l'ensemble des Français sont contrastés et plutôt ténus : Alain Juppé 40% (-3), Bruno Le Maire 26% (+1), François Fillon 24% (-2) et Nicolas Sarkozy 15% (-1). Alain Juppé, après avoir présenté son programme économique, perd 8 points chez les sympathisants du Parti Socialiste (43%) mais en gagne 5 chez les proches des Républicains (72%). Ce qui le place 10 points devant Nicolas Sarkozy (62%, +3), 11 points devant François Fillon (61%, +7) et 13 points devant Bruno Le Maire (59%, +3).
Remarquons la baisse tendancielle de la confiance des Français envers Alain Juppé depuis décembre dernier (53% de confiance à l'époque, soit 13 points de plus qu'aujourd'hui). On sait que, dans les motivations de vote à la Primaire, des électeurs de Droite intégreront la notion de « celui le plus à même à battre la Gauche à la Présidentielle ». Et que, quand bien même Alain Juppé pourrait bénéficier d'une appréciation de son cour électoral, si jamais un doute quant à sa capacité à se qualifier pour le deuxième tour devait émerger, il risquerait d'en pâtir.
4. Délits d'Opinion : Qui occupe l'espace à la Gauche de la majorité actuelle ? Observe-t-on une dynamique en faveur d'Arnaud Montebourg qui sème des indices concernant son désir de retour ? Et en faveur de Jean-Luc Mélenchon ?
Jean-Daniel Lévy : Jean-Luc Mélenchon est vraiment parvenu à occuper cet espace. 87% des sympathisants du Front de Gauche lui font confiance tandis que, dans un même élan, seul 30% des proches de ce rassemblement affirment la même chose lorsqu'ils sont interrogés sur Pierre Laurent. Le fondateur du Parti de Gauche arrive, qui plus est, à générer la confiance d'un quart des proches du Parti Socialiste.
Christiane Taubira, avec un positionnement plus moral et de valeurs qu'électoral, réussi la gageure de rassembler derrière elle près des deux tiers des sympathisants de Gauche quelle que soit leur famille politique de rattachement. Arnaud Montebourg a, quant à lui, réussi son retour en politique. 23% (+3) de confiance, 34% (+10) chez les proches du PS, + 4 pour l'ensemble des sympathisants de Gauche. L'évolution est là. Et, alors qu'après son départ du Gouvernement, sa cote de confiance avait baissé auprès des sympathisants socialistes, aujourd'hui l'ancien Ministre progresse.
Le fait neuf des dernières semaines c'est indiscutablement un socle nouveau pour Jean Luc Mélenchon, ce qu'Exprimeo évoquait hier en dressant un parallèle avec Bernie Sanders aux Etats-Unis qui est un phénomène réel méritant une attention forte.