Robert Kennedy et la lutte contre la "haine intérieure"

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Politico a ouvert ce jour une question de fond : Robert Kennedy a-t-il été le dernier leader américain à lutter sérieusement contre les haines intérieures dont les haines raciales ?

En avril 1968 quand il apprend l'assassinat de Martin Luther King, Robert Kennedy prononce un discours remarquable :

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"« Mesdames et messieurs, j'ai une triste nouvelle pour vous, mais je pense aussi pour tous nos camarades citoyens et pour les personnes qui veulent la paix dans le monde : Martin Luther King a été assassiné ce soir.



Martin Luther King a consacré sa vie à la cause de l'amour et de la justice entre les êtres. Il est mort en y oeuvrant. En ce jour difficile, en cette heure difficile pour les Etats-Unis, il faut peut-être se demander quel genre de Nation nous sommes et quelle direction nous voulons prendre.

Pour ceux d'entre vous qui sont noirs - compte tenu, à l'évidence que des blancs sont responsables - vous pouvez être empli d'amertume, de haine et de désir de vengeance. En tant que pays, nous pouvons nous diriger vers une plus grande polarisation - Noirs parmi les Noirs, et Blancs parmi les Blancs, emplis de haine les uns envers les autres. Ou, nous pouvons faire un effort, comme l'a fait Martin Luther King, pour comprendre, appréhender et remplacer cette violence, cette tache d'un carnage qui a accablé notre terre, pour que la compassion et de l'amour.

Pour ceux d'entre vous qui sont noirs et sont tentés, face à l'injustice d'un tel acte, par la haine et la méfiance envers tous les Blancs, je peux seulement dire que je ressens dans mon propre coeur le même genre de sentiment. J'ai eu un membre de famille tué, même s'il a été tué par un homme blanc comme lui. Nous devons faire un effort aux Etats-Unis, nous devons faire un effort pour comprendre, pour faire un pari sur l'avenir, pour dépasser cette époque plutôt difficile.

Mon poète préféré, Eschyle, a écrit par le passé : « Même dans le sommeil, la douleur qu'on ne peut oublier, tombe goutte à goutte sur notre coeur et dans notre désespoir, contre notre gré, par la grâce terrible de Dieu, nous vient la sagesse. »Aux Etats-Unis, nous n'avons pas besoin de divisions. Aux Etats-Unis, nous n'avons pas besoin de haine. Aux Etats-Unis, nous n'avons pas besoin de violence et d'anarchie ; nous avons besoin d'amour et de sagesse, de compassion envers notre prochain, d'un sentiment de justice envers ceux qui souffrent toujours dans notre pays, qu'ils soient blancs ou noirs.

Ainsi, je vous demande ce soir de rentrer chez vous, de prier pour la famille de Martin Luther King bien sûr, mais surtout pour notre propre pays, que nous aimons tous - une prière pour qu'il y ait plus de cette compréhension et de cette compassion, dont je parlais tout à l'heure. Dans ce pays, nous pouvons faire le bien. Nous aurons des périodes difficiles ; nous avons eu des périodes difficiles dans le passé ; et nous aurons des périodes difficiles à l'avenir. Ce n'est pas la fin de la violence ; ce n'est pas la fin de l'anarchie ; et ce n'est pas la fin du désordre. Mais la grande majorité des Blancs et des Noirs dans ce pays veulent vivre ensemble, veulent améliorer la qualité de notre vie, et veulent que la justice soit faite pour tous les êtres humains qui demeurent sur notre terre.

Consacrons-nous à ce que les Grecs ont écrit il y a tant d'années : il faut apprivoiser la sauvagerie de l'homme et rendre la vie plus douce. Consacrons-nous-y, et prions pour notre pays et pour notre peuple. Merci beaucoup. »

Où était la valeur ajoutée de Robert Kennedy en 1968 ?

Elle était triple :

1) mettre au coeur de sa campagne la lutte contre la pauvreté,

2) installer comme priorité l'égalité des droits,

3) extraire la violence des repères classiques de la société américaine.

Sur ces trois dossiers, son parcours personnel dont l'assassinat de son frère lui donnaient une crédibilité particulière.

Robert Kennedy a bien été le dernier leader américain à vouloir s'attaquer avec détermination à ces trois sujets habituellement marginalisés lors des campagnes électorales et encore davantage lors des gestions.

  • Publié le 8 juillet 2016

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