Contamination Eau Sud Agglo : les jours d'après ...

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Dans les mois à venir, l'agglomération grenobloise va connaître un débat juridique passionnant. Mais surtout un débat qui pose une question juridique qui dépasse et de loin le seul dossier concerné.

Karine Maurinaux

Une association Contamination Eau Sud Agglo a été mandatée par des victimes d'une pollution grave de l'eau pour ouvrir un enjeu juridique qui fera date sur le plan national : la responsabilité pour inaction.

C'est un débat juridique au coeur de la société moderne.

Le préjudice pour les requérants est incontestable : 64 hospitalisations dont des cas très graves. Des arrêts maladies par centaines. Par conséquent, la capacité à agir ne peut pas être contestée faute d'un préjudice.

Jusqu'à maintenant, le droit public français a fonctionné sur la base de la responsabilité pour faute dans l'action. Une action a été engagée et elle a manifestement été à l'opposé des obligations légales.

Il y a eu déjà des actions engagées pour inaction. L'un des exemples les plus intéressants concerne l'amiante ou des préjudices liés à des sites manifestement dangereux et qui n'ont pas respecté des contraintes de sécurité (Toulouse et l'actuel procès Total).

Mais dans le dossier de l'eau du sud de l'agglomération grenobloise, l'association de consommateurs présidée par Mme Karine Maurinaux va poser, probablement pour la première fois à ce point, un problème juridique majeur : à partir du moment où la dangerosité d'un problème est attestée, jusqu'où l'inaction peut-elle être tolérée sans engager la responsabilité des décideurs directement concernés ? Existe-t-il une date où l'inaction devient un refus manifeste fautif d'action ?

A l'aide d'un travail considérable d'investigations, cette association a en effet dans les mains les preuves matérielles de la reconnaissance de la dangerosité ancienne d'une zone d'alimentation en eau. Elle détient les preuves d'inactions durables qui ont été la cause directe (peut-être pas exclusive ?) mais incontestablement directe d'une pollution grave.

Quelle qualification juridique doit accompagner cette inaction ? Et quelles sanctions en conséquence ? Une reconnaissance pénale qui va ouvrir ensuite matière à la quantification de compensations civiles puisque dans le droit français "le pénal lie le civil" et que la responsabilité reconnue au pénal ne pourra plus être contestée au civil.

Il y a un moment où ne pas agir, c'est ... agir c'est à dire c'est accepter que les conséquences logiques d'un préjudice annoncé interviennent.

C'est un volet juridique déterminant qui va s'ouvrir. D'autant plus déterminant que l'un des griefs majeurs actuellement souvent effectués à destination des collectivités publiques c'est ... l'inaction !

Qu'est concrètement le "principe juridique de précaution" si l'inaction devait être reconnue comme insusceptible de sanction alors même que la dangerosité d'un fait est avérée, rapports publics officiels anciens à l'appui ?

Le Tribunal Administratif de Grenoble a écrit des pages nouvelles fortes du droit de la responsabilité par exemple en matière d'accidents de montagne sous l'initiative notamment d'un juge nationalement réputé en la matière, M. Gilbert Anton. Des avancées reconnues par le Conseil d'Etat qui ont constitué des étapes novatrices faisant jurisprudence sur le plan national.

Là, c'est le juge pénal qui est saisi. En fera-t-il de même dans un sujet essentiel pour la précaution en matière de santé ? Et à partir de quand et sur la base de quels critères définira-t-il les éléments constitutifs de la faute de ne pas agir ? C'est un sujet à vocation générale qui va susciter des débats très importants sur le fond.

En effet, bien au-delà de ce cas d'espèce, c'est tout le rapport à l'inaction publique qui va être ouvert. Un contentieux de fond qui fera date. Une procédure qui devrait connaître sa première décision judiciaire sur le fond sous 25 à 30 mois.

  • Publié le 18 octobre 2016

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