Le PS face aux chiffres qui cognent
Dans toute autre démocratie occidentale, le scandale des "chiffres" de la primaire du PS emporterait des conséquences judiciaires et politiques majeures. La France peut-elle encore s'offrir le luxe d'échapper à cette règle de base ?
Depuis plusieurs années, la politique et la morale ont des relations conflictuelles en France. La politique est souvent perçue maintenant comme la sphère d’activité où le pouvoir peut transgresser beaucoup de règles parfois au titre d’une efficacité « supérieure » mais malheureusement aussi au titre d’un simple mépris de règles élémentaires. Ce n’est pas une situation nouvelle. Chaque fois que ce fut le cas, c’est la démocratie qui a été la première victime. Parce que la démocratie suppose un certain idéalisme mais également une indispensable vertu.
La démocratie suppose un certain idéalisme, car elle repose sur l’idée d’une dignité particulière de l’individu. Un individu libre, sacré qui constitue le peuple souverain. C’est en son nom que le pouvoir légitime peut s’exercer. C’est une offense à cette dignité chaque fois que le pouvoir méprise cette reconnaissance de la primauté de l’individu.
La démocratie est également le régime de la vertu. Ses éléments fondateurs sont la reconnaissance que tout individu doté de pouvoir doit l’exercer dans un cadre « transparent » de nature à permettre le contrôle des citoyens. C’est aussi la conception que le dirigeant doit servir et non pas se servir.
D’ailleurs, chaque fois que des régimes démocratiques se sont éloignés d’une certaine éthique, ils ont été emportés par cette attitude :
- en France, la IIIème République et les affaires Stavisky et Dreyfus,
- La IVème République avec les « ballets roses »,
- La Vème République a été très menacée par la Garantie Foncière l’affaire Aranda. L’alternance à l’intérieur de la majorité en 1974 s’explique pour une bonne partie par le rejet de la majorité des « copains et des coquins » et le boulet de l’avoir fiscal de J. Chaban Delmas. Et depuis les années 80, tout s'accélère au niveau des affaires.
il en est de même à l’étranger.
Chaque fois que le pouvoir transgresse une certaine éthique d’exercice, il est condamné par l’opinion publique.
Ce constat historique est encore plus fort dans la présente période. La crise collective actuelle est matérielle, psychologique et morale.
Elle est matérielle parce que la situation du grand nombre est affectée par l’érosion du pouvoir d’achat comme par la nouvelle précarité en terme d’emploi et de poussées des pauvretés.
Elle est psychologique parce que les repères collectifs traditionnels ont disparu pour laisser place à un monde déboussolé sans sortie garantie ni prévisible de tunnel. Un monde dans lequel il n’est plus question de vivre sur des bases rationnelles, connues voire programmables mais seulement de survivre dans le court terme.
Cette crise est aussi morale. L’opinion publique est d’autant plus sévère avec les dirigeants qu’elle éprouve un confus mais réel besoin de vengeance face à des élites qui ne parviennent plus à rendre la vie plus belle. Dans ce contexte, il n’y a plus de « morale de l’efficacité » qui permettrait de transgresser une certaine éthique.
Dans ces nouvelles circonstances, le citoyen aspire au respect. Pour qu’on lui prouve ce respect, il demande un comportement honnête, transparent. La communication économique a intégré cet état d’esprit depuis longtemps. La communication publique a pris du retard. Et ce retard va lui coûter un prix énorme. Le PS est entré dans une spirale de crises dont il aura manifestement d'énormes difficultés à se relever.