La France et sa crise durable de l'édition
A chaque ouverture du Salon du Livre, le point technique sur l'édition en France montre qu'un étage de plus est franchi dans la crise durable du livre.
Pourquoi et comment ?
Comment la crise se manifeste-t-elle ? D'abord par la fermeture des librairies. Quel métier peut "bien vivre" quand son "bras commercial" disparaît à ce point ? Il y a désormais des villes moyennes nombreuses en France sans la moindre librairie. Ensuite par la disparition d'un nombre très élevé d'éditeurs indépendants.
Pourquoi ? Parce que le secteur du livre en France a été totalement fragilisé par 5 facteurs :
1) la disparition d'une émission TV populaire à 21 heures. Le livre n'a plus de visibilité grand public en France pour mettre en scène des livres et donc attirer des acheteurs en conséquence dans les librairies. Comment acheter des produits dont on ignore même l'existence ?
2) La grande distribution a tué le libraire de proximité. Et souvent dans des grandes marques de la grande distribution, le livre est géré par et au sein de la direction commerciale du ... jouet qui gère les conditions d'achats.
3) Le prix unique du livre a terriblement fragilisé les petits éditeurs comme les petits libraires. Le prix libre permet de vite s'adapter au marché peu porteur. Le prix unique ne permet pas cette adaptation pragmatique. Quand un livre ne rencontre pas un marché immédiat, il est voué aux soldes à prix cassé. Il n'y a pas deux vies pour un livre dans ce cadre : soit c'est le succès soit c'est la casse totale.
4) Le refus des achats publics sur des critères de proximité : les bibliothèques municipales par exemple passent par des centrales d'achats qui marginalisent totalement les libraires de proximité. Or, faute de cette commande publique, les libraires de proximité perdent une part de marché qui, avant hier, existait encore à différentes étapes y compris des rentrées scolaires.
5) La concurrence para-publique terrible dans certains segments par exemple de l'édition géographique. L'IGN comme les guides touristiques gratuits de départements ou de régions ont tué des éditeurs régionaux qui avaient vocation à faire vivre ce domaine de l'édition régionale.
Quand tous ces facteurs s'ajoutent, c'est un secteur sinistré qui ne vit que par des "mammouths" de la distribution qui placent leurs éditeurs, qui se livrent à des guerres périodiques des linéaires via le terrible dispositif des offices, c'est à dire la négation même de la liberté de choix des libraires.
Tout ce processus a donc conduit à un désastre absolu.