Covid-19 : la France et sa crise structurelle du livre
Le Covid-19 va-t-il encore engager une étape de plus dans la descente aux enfers des librairies françaises donc une étape de plus dans la crise du livre.
En effet, le lien est total entre la situation du livre et celle des libraires. Quel métier pourrait vivre si l'un de ses commerciaux historiques était en crise ouverte ? Or, 65 % des libraires ont fermé pendant plus de 2 mois. Pour un segment d'activité déjà exposé à une marge très faible, le risque de faillites est énorme. Par la voix du Syndicat de la Librairie Française (SLF), les libraires disent la nécessité de mesures d’urgence pour leur filière dont la création d’un fonds de soutien de 20 à 26 millions d’euros pour compenser les charges fixes durant les deux mois de fermeture.
Le SLF demande aussi notamment l’instauration d’un tarif postal spécifique à l’envoi de livres afin de rendre les sites des indépendants compétitifs face aux géants de la vente en ligne....
En réalité, la crise du livre en France est liée à 5 facteurs structurels :
1) La pratique des offices qui anéantit la fonction réelle du choix libre des libraires et donc l'espace de concurrence. Les offices s'imposent aux libraires. Et leur quantité occupe presque tout le linéaire de vente. Donc cette pratique restreint en conséquence l'espace disponible pour les produits qui ne sont pas dans les offices.
2) Le prix unique du livre : c'est une contrainte anti-économique absolue. Le prix est souvent un axe d'entrée sur un produit surtout pour les "beaux livres" (prix de plus de 20 euros). Si le marché ne répond pas à un lancement, le prix unique gèle le produit pour le réduire en bout de course à la casse totale.
3) L'absence d'une émission TV mode à une heure de grande écoute. Le livre n'a plus de vedette médiatique capable de bien le mettre en scène. Aujourd'hui la gastronomie sait se mettre en scène. La littérature ne sait pas faire. Sans exposition médiatique, le livre se marginalise.
4) L'absence de "marchés protégés" : les libraires indépendants ont même perdu les marchés des bibliothèques publiques qui font appel de plus en plus aux centrales d'achats.
5) Le parasitisme de l'édition publique à prix cassés ou même encore simplement de l'édition gratuite : trop d'acteurs du livre prennent un livre pour un produit culturel et non pas pour un produit économique. D'où des comportements aberrants dont l'édition publique qui casse les repères dans le choc naturel des prix.
Pour toutes ces raisons, si le Gouvernement n'engage pas des réformes de fond, c'est une étape supplémentaire de la crise du livre et des librairies qui est engagée. Peut-être l'étape de trop pour de très nombreuses librairies ?