Eau : Nicolas Hulot : où sont les chiffres concrets ?
Face à la sécheresse, Nicolas Hulot a publié ce jour un communiqué sur la politique de l'eau. Un communiqué très décevant puisque, derrière les mots très généraux, il n'y a aucun chiffre précis. Or les chiffres disponibles à ce jour ont de quoi inquiéter.
Les chiffres les plus précis de la crise de l'eau en France sont connus, publics et incontestés au moins depuis mai 2016. Par lettre cosignée en date du 12 janvier 2015, la Ministre de l’Ecologie et le Ministre de l’Intérieur ont demandé au Conseil Général de l’Environnement et du Développement Durable (CGEDD) et à l’Inspection Générale de l’Administration (IGA) de mener à bien conjointement une mission sur le prix de l’eau. Cette mission a donné lieu à un rapport en février 2016 qui a été publié en mai 2016. Un rapport de 561 pages pour l’essentiel composé d’un noyau dur de 117 pages puis de 48 annexes dont les contributions des autorités associées.
Ce rapport dresse un constat de crise et émet des recommandations sont les suivantes :
1) L’affirmation claire d’une prise de conscience sur l’impératif urgent d’effectuer un effort sur le renouvellement du réseau : «prix bas n’est pas vertu si c’est au détriment du patrimoine». Cette formule extraite du rapport (page 45/561) est l’expression la plus synthétique des effets récents d’une course vers le prix bas au détriment de l’entretien du réseau.
2) Rééquilibrer les recettes en faveur de l’investissement (cf page 47/561): c’est l’une des conséquences du constat visé ci-dessus au point 1.
3) Considérer que l’application de la loi NOTRe va ouvrir une période de «nouvelle donne» par la mise en place d’un nouveau cadre territorial local : la recommandation est faite que soit donné un délai de 5 ans pour la convergence tarifaire au sein d’une même autorité organisatrice (cf page 11/561). Ce délai peut être porté à 10 ans par dérogation du Préfet si des circonstances particulières le justifient.
4) Rapprocher les conditions de contrôles et de mises en performance des régies par rapport aux effets des mises en concurrence intervenant sur les DSP (pages 49-50/561). Le rapport est laudateur concernant les efforts de productivité du secteur privé. Il est moins positif concernant le niveau de performance des régies et évoque des évolutions nécessaires dans leur restructuration comptable comme juridique.
5) Renforcer les moyens financiers des interventions autres que le prix de l’eau par le «retour» des Agences de l’Eau dans le circuit actif des opérations et par la mobilisation des prêts «croissance verte» de la Caisse des Dépôts et Consignations (cf page 13/561) : dans ce cadre, il est notamment demandé de mettre fin aux prélèvements exceptionnels sur les trésoreries des Agences de l’Eau qui constituent un transfert depuis la facture d’eau vers des activités sans lien avec celle-ci (cf page 98/561). Pour ce qui concerne la CDC, il est recommandé de parvenir à un «rythme de croisière» de 200 M€ par an au titre des prêts «croissance verte» (cf page 97/561).
6) Une pause normative privilégiant la mise en application des normes déjà existantes (cf page 67/561).
Depuis la remise de ce rapport, quoi de concret ? Rien. Bien davantage, les informations qui "fuitent" sur les moyens financiers du prochain programme pluriannuel à partir de 2020 font état d'une prévision probable de réduction nationale moyenne de - 20 % des dotations aux Agences de l'Eau. Ce qui signifie concrètement que, si cette réduction est confirmée, soit les Agences de l'Eau vont abandonner des pans entiers d'interventions actuelles soit lisser l'actuelle totalité des lignes budgétaires. Dans les deux cas, c'est une situation de crise dans la crise qui s'annonce. Et au même moment, l'autre partenaire (l'ADEME) est en ... crise financière au point que, sur avril 2017, elle a été conduite à annoncer publiquement le décalage d'aides pour honorer les salaires des collaborateurs de l'ADEME. C'est tout le dispositif de l'eau en France qui est en danger depuis plusieurs années déjà. Le communiqué de presse ce jour de Nicolas Hulot ne va pas rassurer car il n'y a rien de concret derrière des généralités de bonnes intentions.