Eau : les Agences de l'Eau tirent l'alarme

C'est une situation rare à ce point à l'approche des arbitrages budgétaires définitifs pour 2018. Les Présidents des comités de bassin protestent à l'unanimité et l'Association des Maires prend le même chemin dans des termes très musclés.

Chatham 2 09 07 16

Le communiqué des Présidents des Comités de bassin est le suivant :

" C’est un nouveau coup dur pour les agences qui va mettre à mal la politique de l’Eau en France sacrifiée sur l’autel des arbitrages budgétaires» ont déclaré ce matin les Présidents de Comité de Bassin à Nicolas Hulot, Ministre d’Etat qui a souhaité leur annoncer en personne les arbitrages budgétaires au Ministère de la Transition Ecologique et Solidaire.

Bercy a non seulement mis en place un plafond mordant qui réduira le produit de la redevance sur l’eau, mais aussi augmenté le prélèvement des Agences de l’eau pour le financement de l’Agence Française de la Biodiversité qui passera de 150 à 200 millions d’euros.

Enfin, un nouveau prélèvement sera institué pour le financement de l’Office National de la Chasse et de la Faune Sauvage

La situation va devenir intenable et ne permettra pas de faire face aux défis que devront conduire les agences de l’eau qui sont énormes :
- L’adaptation au changement climatique ;
- Atteindre 100 % de bon état des eaux en 2027 ;
- Réussir la prise en main de la GEMAPI par les collectivités ;
- Élargir nos compétences à la biodiversité ;
- Accompagner le financement du renouvellement des réseaux et la lutte contre les fuites.

Sur l'ensemble de ces sujets, on ne peut pas demander aux agences de l'eau de faire toujours plus avec moins de moyens» ont déclaré les Présidents. Ils ont en outre rappelé au Ministre d'État que le budget des agences provient des redevances sur l’eau payées par les consommateurs et les usagers. Elles n'ont pas vocation à alimenter le budget des Parcs nationaux ou de l’Office National de la Chasse et de la Faune Sauvage.

Les Présidents de Comité de Bassin ont fait savoir au Ministre d’Etat qu’ils seront inévitablement amenés à réduire leurs investissements alors que la France est très loin d’atteindre ses objectifs de 100% de bon état des eaux en 2027. «Ces ponctions sont en totale contradiction avec les engagements de la France» ont-ils précisé.

Ces ponctions sont également en totale contradiction avec les nouvelles missions à assumer. Les Présidents de Comités de Bassin s’en remettent dorénavant au Ministre de l’Action et des Comptes Publics, aux Députés et aux Sénateurs pour qu’ils corrigent la copie dans le Projet de Loi de Finance.

Michel DANTIN
Président du Comité de Bassin Rhône-Méditerranée

Claude GAILLARD
Président du Comité de Bassin Rhin-Meuse

André FLAJOLET
Président du Comité de Bassin Artois-Picardie

Martin MALVY
Président du Comité de Bassin Adour-Garonne

Joël PELICOT
Président du Comité de Bassin Loire-Bretagne

François SAUVADET
Président du Comité de Bassin Seine-Normandie

Gilles SIMEONI
Président du Comité de Bassin de Corse

...".

Et dans la foulée, l'Association des Maires de France enfonce le clou.

"... Après les présidents de comités de bassin, lundi dernier, c’est au tour de l’AMF de dénoncer avec vigueur le nouveau coup de rabot sur le budget des Agences de l’eau qui semble se profiler.
Cela semble devenir une habitude : depuis 2013, le gouvernement inscrit chaque année dans le PLF (projet de loi de finances) de l’année suivante une ponction sur le budget des Agences de l’eau.

Cela avait commencé avec le budget 2014 qui instaurait un prélèvement de 210 millions d’euros – mesure dénoncée à l’époque par Michel Rocard et Jean Launay comme un « hold-up » –, puis continué l’année suivante avec une ponction de 175 millions d’euros par an programmée sur trois ans, c’est-à-dire sur les budgets 2015, 2016 et 2017. Aujourd’hui, à l’heure où se font les derniers arbitrages sur le budget 2018, il semble que le nouveau gouvernement ne soit pas décidé à rompre avec les habitudes du précédent de considérer le budget des Agences de l’eau comme une variable d’ajustement.

Pire : l’addition pourrait être plus salée encore.

Selon un communiqué signé lundi par les sept présidents des sept Comités de bassin (1), Bercy prévoirait de mettre en place un plafond de ressources sur les redevances « qui réduira le produit de la redevance sur l’eau », puisque tout ce que les Agences percevrait au-delà du plafond reviendrait au budget de l’État ; d’augmenter de 50 millions d’euros le prélèvement des Agences de l’eau pour le financement de l’Agence française de la biodiversité et même d’instituer « un nouveau prélèvement pour le financement de l’Office national de la chasse et de la faune sauvage » !

Au final, l’addition pourrait s’élever à quelque 400 millions d’euros, soit 20 % du budget annuel des Agences de l’eau.

À l’heure où les Agences vont devoir faire face à « d’énormes défis » (notamment la mise en place de la Gemapi et l’accompagnement du financement du renouvellement des réseaux d’eau), les présidents des Comités de bassin s’indignent du fait que l’État demande aux Agences « de faire toujours plus avec toujours moins de moyens », et se demandent en quoi le budget des Agences, qui provient de la redevance payée par les usagers, aurait vocation « à alimenter le budget des parcs nationaux ou de l’Office national de la chasse ». Rappelant que la France est censée atteindre 100 % de bon état des eaux en 2027, les signataires estiment que « ces ponctions sont en totale contradiction » avec cet engagement et qu’ils vont être « inévitablement conduits à réduire leurs investissements ».

Le bureau de l’AMF s’est à nouveau exprimé sur ce sujet, avec la publication hier d’un communiqué « exigeant le respect du budget des Agences de l’eau ».

L’association rappelle que le modèle de la politique de l’eau en France (« l’eau paye l’eau ») a « largement prouvé son efficacité » et que les Agences de l’eau « injectent 1,85 milliard d’euros par an dans des projets locaux », ce qui « génère plus de 5 milliards d’investissement dans les territoires ». Elle souligne, elle aussi, les défis à venir, en particulier « la complexe et coûteuse Gemapi », et estime que « tout nouveau prélèvement serait contreproductif » et représenterait « une régression dans la mise en œuvre d’une vraie transition écologique dans les territoires ». L’AMF réaffirme donc « son opposition totale à toute ponction opérée par l’État sur les Agences » et demande que « leur autonomie administrative et financière soit préservée par l’affectation de l’intégralité des recettes des redevances de l’eau aux missions et objectifs de ces agences. »
La réponse à ces interrogations se trouvera dans le projet de loi de finances qui sera présenté le 27 septembre prochain...".

Au moment où la politique de l'eau est entrée dans une phase décisive avec le réchauffement climatique, c'est la première fois qu'une telle crise est connue sur les arbitrages budgétaires des Agences de l'Eau.

  • Publié le 18 septembre 2017

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