Edouard Philippe et les défis de la République du centre
L'actuelle vie politique française fonctionne sur des bases totalement inédites sous la V ème République avec un noyau central (LREM) et deux partis latéraux radicalisés (FN à droite et Insoumis à gauche). Cette logique de la "République du centre" est-elle sans danger ?
Sur le fond, 4 dangers guettent Edouard Philippe sur cette logique de "République du centre" qui a été la création du sillon de fond d'Emmanuel Macron au printemps 2017. 1) La période est celle des rages, des colères. La modération du centre est donc par définition à l'opposé de cette ambiance. Pendant des décennies, l'un des socles de la sagesse collective était la formule : tout ce qui est excessif est insignifiant. Citation prêtée à Talleyrand. L'idée de fond : ce qui est sérieux demande de la modération. Ce qui était excessif devrait susciter de l'indifférence, voire de l'inquiétude. Depuis près de 5 ans, l'opinion moderne vit au rythme du tout ce qui est excessif devient signifiant. Pire encore, il faut que ce soit excessif pour être signifiant. L'opinion est ainsi engagée dans une course accélérée au toujours plus excessif dans tous les domaines. Les mots doivent être forts, violents pour devenir ... signifiants. Les actes doivent porter des symboles forts pour mériter l'attention. Et la liste pourrait continuer longtemps. Donald Trump est le produit de ce climat. Si le climat avait été à la modération, il n'avait aucun espace. Ce qui est très préoccupant, c'est que ce rythme s'auto-alimente pour faire vivre une violence permanente croissante. Comment la modération peut-elle résister ? 2) La République du centre manque de champions. Elle vit par et grâce à 1 champion : Emmanuel Macron. Mais les partis latéraux ont les seuls autres champions actuels : Jean Luc Mélenchon et Marine le Pen. Et une championne en "herbe" : Marion Maréchal. Un parti a besoin de champions. C'est ce qui le conduit vers la victoire. Où sont les autres champions de la République du centre en dehors d'Emmanuel Macron ? 3) Est-il possible en France de durer sur le thème du soutien à la libre entreprise et en même temps à la protection sociale ? Il faut remonter à 1988 et à la dialectique d'alors de la "France Unie" de François Mitterrand pour retrouver cet ancrage conceptuel. Mais il a vécu un printemps ... Un seul printemps ! 4) Le véritable ADN d'Emmanuel Macron n'est-il pas "l'anti-système sécurisé". Avec le vote d'Emmanuel Macron en 2017, une partie importante de son électorat avait le sentiment de "botter les fesses d'un système politique répulsif" sans prendre le risque de votes extrêmes. Depuis 2017, une fois au pouvoir, cette "République du centre" n'est-elle pas devenue l'incarnation même du ... système ? Ce faisant l'identité même de la "marque Emmanuel Macron" n'est-elle pas troublée ? Qu'est ce qui reste actuellement "d'anti système" dans le fonctionnement ou les mesures ?
Il s'agit là de questions de fond. Le principal danger de ce dispositif dans sa dynamique actuelle c'est que si la "République du centre" s'effondre, connait un brutal trou d'air, le choc ne restera qu'entre les partis latéraux radicalisés. Et sous cet angle, c'est un enjeu particulier.