L'actualité, l'évènement et la durée (Edito 94)
L'accélération de la présence présidentielle sur l'ensemble de la vie publique française impose d'évoquer les nouveaux rapports entre l'actualité, l'événement et la durée. L'accession de Nicolas Sarkozy à la Présidence de la République semble avoir changé d'époque les pratiques des dernières décennies. Traditionnellement, dès les semaines qui suivaient son élection, le nouveau Président s'installait dans une logique de recul supposée incarner la hauteur, limitant son attention à l'essentiel
Désormais, l'essentiel paraît quotidien ou plutôt c'est le quotidien qui conduit à l'action présidentielle. Ce rythme de l'actualité traduit une nouvelle approche de communication
C'est une méthode où l'image équivaut au passage à l'acte.
En réalité, toute la communication de Nicolas Sarkozy repose sur l'énergie dans l'action. Le Président ne donne pas l'impression d'être accablé à chaque fois que le moindre problème se présente. Bien au contraire, il se veut optimiste et apporte la solution dans l'action.
La communication pendant la campagne présidentielle avait été dominée par le thème de la rupture.
La communication de la gestion présidentielle est désormais dominée par l'optimisme.
Le Président multiplie les chantiers susceptibles de se terminer par des victoires spectaculaires à l'exemple du nouveau mini traité européen ou de la libération d'Ingrid Betancourt.
Le passé ressemble ainsi à un film triste d'acteurs tourmentés par des problèmes insolubles.
L'opinion semble exiger le retour de héros qui se lancent dans de grandes aventures, qui réussissent contre toute attente et qui donnent naissance à une nouvelle période d'optimisme. C'est le scénario qui domine l'actuelle communication présidentielle.
Dans ce scénario, le Président ne parle pas de politique. Il s'en tient à l'expression de valeurs qui rassemblent bien au-delà des camps traditionnels.
L'optimisme paraît être son travail. Il reste à savoir si l'opinion est prête à partager cet état d'esprit.
C'est un long marathon que le Président a engagé. Il le fait sur un terrain particulièrement intéressant dans la mesure où les tribus socialistes sont plus éclatées que jamais.
Le vrai enjeu de la période actuelle, c'est la détermination de la correspondance dans le temps entre le message présidentiel et l'opinion. La thèse du pouvoir absolu de la communication est surtout véhiculée par les médias ou les communicants eux-mêmes mais faire de la communication une explication finale ne répond pas à la réalité du terrain.
Certes le Président doit être le vendeur efficace de son message. Mais son message doit exprimer des idées qui correspondent aux attentes de l'opinion. Ce n'est pas parce qu'il communique bien ce qu'il a dire qu'il pourrait se permettre de dire n'importe quoi. Ce sont les citoyens qui ont élu Nicolas Sarkozy pas la communication ni les médias.
Par conséquent, les effets de caméra ne doivent pas occulter les débats de fond. La vraie question consiste donc à savoir si l'opinion est prête à partager cet optimisme avec l'énergie et la volonté du message présidentiel. Si au contraire, face aux difficultés et aux premiers échecs incontournables, l'opinion se déconnecte du message présidentiel, les décrochages se manifesteront alors rapidement.
Le véritable tournant du mandat présidentiel interviendra à l'automne 2007. A cette date, s'il peut mettre en oeuvre des réformes significatives dans un climat apaisé, les élections locales de mars 2008 traduiront une confiance renouvelée.
Si au contraire ces réformes se heurtent à des difficultés majeures et imposent des échecs publics flagrants, il paraît probable que les élections locales de mars 2008 traduiront une poussée très significative de l'opposition. Cette dernière dès lors ne manquera pas de traduire ce résultat comme une première défiance à l'égard de la présidence. Le climat politique en sera profondément affecté et modifié.
Au sommaire de la Lettre Exprimeo 94 :
- Fiche 90 : le marketing de la compassion.
- Discours 179 : la nouvelle diplomatie.
- Discours 180 : l'intégration des immigrés.
- Carnet 90 : Etats-Unis : la confirmation de la percée de Mitt Romney.
- Presse : 5 faits majeurs de la semaine 26
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