Eric Piolle et le temps des maires ?
Dans la perspective de la présidentielle française de 2022, l'initiative de candidature d'Eric Piolle permet de mettre en évidence des volets étonnants de la vie publique française au moment où les lois sur la décentralisation vont fêter leurs 40 ans de 2021 à 2023.
D'abord un constat : aux Etats-Unis le temps des Gouverneurs comme symboles des pouvoirs locaux existe dans le parcours présidentiel. De exemples récents sont nombreux. Bill Clinton a gagné sa présidentielle en ayant été Gouverneur de l'Arkansas. Il n'avait jamais été membre du Congrès. Mitt Romney a tenté après avoir été Gouverneur du Massachusetts. Il n'avait jamais été parlementaire. Il est devenu Sénateur en 2018. George W Bush a gagné sa présidentielle en étant Gouverneur du Texas sans jamais avoir été membre du Congrès. La "fonction locale" existe à part entière comme celle de Sénateur ou de réussite dans les affaires pour Trump.
En France, jamais la fonction de maire n'a été un tremplin pour la présidentielle. Jacques Chirac a certes été maire de Paris mais il avait préalablement été Premier Ministre et chef de parti. Paris était d'abord sa base logistique. Gaston Defferre (maire de Marseille) avait été candidat à la candidature (Monsieur X) comme candidat d'un parti politique avant même la décentralisation. Georges Pompidou n'a jamais été maire. Emmanuel Macron non plus. VGE et François Hollande ont été maires de petites Communes mais avaient existé comme chefs de partis avant tout : les Républicains Indépendants et le PS. Il n'est pas possible de citer un présidentiable bien placé dans la course présidentielle à partir de son seul mandat de maire. Ce qui met en relief en France la conception historique très centralisée.
Par son initiative, paradoxalement, Eric Piolle reprend les traces d'un de ses prédécesseurs, Alain Carignon qui, en 1989, avait pris l'initiative des Rénovateurs rassemblant des jeunes maires pour demander un fonctionnement différent des partis en intégrant mieux et davantage les leçons du local. A l'époque, à ses côtés, l'initiative réunissait les maires de Lyon, Toulouse, Annecy, Versailles, Laval, Belley ... Ils allaient subir "les foudres" des instances nationales et l'initiative est vite apparue éphémère tant les instances nationales ont mobilisé tous leurs moyens pour casser cette union d'initiatives locales.
Les maires écologistes qui sont en force après les municipales 2020 vont-ils rompre cette situation ? Impossible à dire à ce jour. Seront-ils d'abord capables de s'unir, cela parait l'étape nécessaire mais pas suffisante. Les prochains mois le diront.
A court terme, le maire de Grenoble va probablement rapidement devoir clarifier un sujet très concret : comment entend-il se mettre en réserve de sa fonction de maire pour livrer sa campagne et qui va assurer la transition dans de telles circonstances ?