Emmanuel Macron et la non campagne 2022
Une campagne électorale c'est quoi en principe ? C'est la séquence temps de ceux qui prennent le risque d'exister pour tenter de démontrer qu'ils peuvent être les meilleurs pour exercer le mandat public en question. C'est par définition le refus que le pouvoir pourrait se passer en héritage, dans la simple continuité du système sortant. Et pour es citoyens, par la liberté de leur engagement, c'est la faculté de participer à la plus belle fête de l'égalité qu'est la citoyenneté au moment du vote. J'ai toujours défendu l'utilité irremplaçable des campagnes électorales.
Le 21 juillet 1987, le quotidien Libération avait consacré un long article au livre que j'avais alors publié sur ce thème le comparant aux "annales du bac". Une campagne électorale, c'est la parcours initiatique pour tester les tempéraments, la motivation, l'être profond, le mérite. Sans campagne électorale, JFK ne serait jamais parvenu à la présidence face au VP sortant des Etats-Unis Richard Nixon. Ronald Reagan n'aurait jamais gagné face à Jimmy Carter, président sortant. Barack Obama n'aurait jamais battu ni Hillary Clinton ni Mc Cain. En France, Pierre Messmer aurait assuré la continuité au décès de Georges Pompidou. Nicolas Sarkozy, candidat rebelle sur plus de 4 ans d'un pouvoir sortant n'aurait jamais accédé à l'Elysée comme Chirac face à Balladur Premier Ministre alors sortant en 1995. Et la liste pourrait durer longtemps. Depuis 2020, en France, sur le plan local puis désormais sur le plan national, les pouvoirs sortants s'organisent pour refuser de se prêter au jeu des campagnes électorales, réduisant ainsi le vote à une formalité administrative pour sécuriser la continuité d'un pouvoir sortant. La droite est mal placée pour contester l'actuelle posture d'Emmanuel Macron quand elle a initié la même logique en 2020 puis en 2021 au motif de la crise sanitaire. Ce qui est surprenant c'est la passivité des citoyens. Pendant des décennies, des électeurs français s'enivraient au parfum du "grand soir" : les élections devaient alors ouvrir la révolution. Puis la droite promettait la réforme du "nouveau matin". Aujourd'hui, c'est la découverte du "midi", une étape simple pour que l'après-midi succède tout naturellement mécaniquement au matin. Symbole de la résignation des citoyens qui ne croient plus ni au "grand soir" ni au "nouveau matin"... Une résignation de plus parce que si les citoyens sanctionnaient ceux qui les privent de vraies campagnes électorales localement et nationalement, ils retrouveraient rapidement cette séquence temps.
Mais finalement ne pas pas faire campagne, c'est une autre façon de ... faire campagne !
Denis Bonzy