Emmanuel Macron face aux crises des légitimités et de la légalité
En 2017 Emmanuel Macron a été le produit d’une crise de régime et non pas d’une crise dans le régime. Depuis son parcours personnel jusqu’aux conditions d’accession à la Présidence de la République, tout n’était que disruption. Des ruptures brutales par rapport aux parcours traditionnels. Mais une fois parvenu au pouvoir, Emmanuel Macron n’a pas su traduire ces ruptures dans des actes.
Et de façon très atypique, en dehors des campagnes électorales où il a été personnellement candidat, sa formation politique (LREM) a perdu toutes les élections durant son mandat. En mars 2020, LREM n’a gagné aucune ville significative. En juin 2021, LREM n’a gagné aucun département. En juin 2021, LREM n’a gagné aucune région. Bien davantage, lors des élections européennes de 2019, LREM n’est même pas parvenue à gagner la première place.
Comment comprendre cette réalité ?
La V ème République a été conçue comme “la démocratie dans l’action”. Or, progressivement, elle est devenue “l’inaction dans l’adémocratie”. L’inaction caractérisée par la rhétorique du “en même temps” qui cherche souvent en vitrine à concilier des inconciliables.
Mais aussi “l’adémocratie” car la super puissance présidentielle a manifestement trop pris le pas à la fois sur le gouvernement et sur le Parlement. Cette crise systémique de régime ne pouvait qu’atteindre les élections législatives de 2022. A cette occasion, L’Assemblée nationale est donc entrée dans une configuration inédite.
C’est positif qu’il en soit ainsi car cette crise ouverte va imposer des réformes toujours différées.
Certes, c’est grave qu’il en soit ainsi car nous sommes dans une période particulièrement difficile avec une guerre à nos portes, avec une inflation galopante et avec une très probable récession économique à partir du dernier trimestre 2022.
Mais cette crise systémique ne pouvait pas durer davantage.
Elle n’a pas attendu Emmanuel Macron pour naître puisqu’il en a été le produit.
Mais avec Emmanuel Macron, cette crise a été décalée. Emmanuel Macron a manqué son casting de juin 2017 lors des élections législatives. Il a trop recyclé des sortants du PS et des LR. La disruption personnelle qu’il incarnait n’a donc pas ensuite trouvé les relais nécessaires sur le terrain. Il demandait à des “enfants” du système de changer le système : ce fut impossible.
L’abstention sans cesse croissante a été le marqueur de cette déception. Il faut avoir à l’esprit que la France actuellement connait des départements et des régions avec des élus avec une abstention de plus de 65 % du corps électoral !
Cette crise des légitimités s’accompagne d’une crise de la légalité. La loi en France n’a plus la place qu’elle doit avoir comme règle incontournable.
Comment sortir de cette crise de régime ?
En renforçant les légitimités et la légalité !
Une très grande réforme institutionnelle s’impose. La proportionnelle intégrale généralisée dans chaque instance de pouvoir devient difficilement contournable. Changer le calendrier des élections pour rendre à l’Assemblée Nationale ses racines démocratiques propres coupées de l'élection présidentielle. Mettre en oeuvre le découplage d’élections locales. Organiser des référendums d’initiative locale. Autoriser le pouvoir de révocation. Bref, tout ce qui va rendre de la vitalité civique.
Pour ce qui concerne la légalité, ce sont surtout les moyens humains qui sont à renforcer à tous les niveaux.
Les législatives 2022 sont la dernière alerte. Si la crise de régime ne donne pas naissance à un nouveau régime, la France est aux portes de chocs d’une extrême violence.
Denis Bonzy
article paru sur Medium le 26 juin 2022