Stephen Breyer et le débat récurrent sur "les Juges qui gouvernent"
Deux décisions récentes de la Cour Suprême des Etats-Unis ont mis en relief un débat récurrent sur "les Juges qui gouvernent". La Cour Suprême des Etats-Unis compte un membre sur le départ, Stephen Breyer, dont les déclarations sur les fonctions de la Cour Suprême méritent l'attention.
D'abord un constat : en dehors des procédures judiciaires, il y a aujourd'hui dans les démocraties occidentales une indifférence profonde face à l’exercice d’une fonction de contrôle.
Pris par le temps, disposant de peu de moyens humains ou matériels, connaissant les limites de leur action, anticipant ou exagérant même parfois les limites de ces actions, bon nombre d’autres intervenants ont manifestement abandonné l’idée même de contrôle sérieux en dehors du tam tam médiatique.
Au sein du pouvoir politique, le Parlement a accepté progressivement la prééminence de l’exécutif comme la toute puissance de l’Administration. Cette dernière sait remarquablement bien répondre allusivement et partiellement aux questions dans des conditions qui ne permettent pas un contrôle digne de ce nom.
La presse, en devenant une presse d’opinion, est tombée dans des travers tantôt d’adhésion permanente tantôt de contestation permanente qui, pour cette dernière, altère progressivement l’impact des reproches donc du contrôle aux yeux de l’opinion.
La notion même de contrôle a donc beaucoup perdu de réalité ces dernières décennies.
La situation est aujourd’hui tellement grave que c’est le principe même de la fonction de contrôle qui a besoin d’être réaffirmé plus que de la simple adaptation d’une mise en œuvre. Cette situation est révélatrice d’une véritable crise avec la disparition de cette fonction. Le fait majoritaire tout particulièrement a transformé certaines mesures en situations de responsabilités fictives.
En France, la III ème et la IV ème République ont installé un contrôle dans la crise.
La Vème République a voulu établir un contrôle politique sans crise. Mais ce contrôle politique a quasiment disparu.
En réalité, les nouveaux équilibres ont fait naître une véritable crise du contrôle politique qui a ouvert un espace particulier au contrôle juridictionnel qui s’est installé en ultime rempart.
Le rétablissement de ce contrôle politique permanent est l’un des enjeux majeurs des prochaines années parce que c’est d’abord une exigence d’une démocratie moderne au sein de laquelle la stabilité de l’exécutif ne peut exister au prix de la disparition du contrôle de celui-ci.
Mais aux Etats-Unis, la fonction même de la Cour Suprême n'est pas de contrôler face à des règles fluctuantes mais face à une seule règle : l'acte fondateur de la Démocratie : la Constitution.
La grille de lecture est différente de celle du contrôle "courant". Il s'agit d'interpréter l'acte fondateur de la société pour en assurer le respect durable. L'approche "sociétale" est totalement déconnectée de cette logique.