Les 45 ans de l'Agence d'Urbanisme de la Région Grenobloise (AURG)
Dans quelques semaines, l’Agence d’Urbanisme de la Région Grenobloise (AURG) va fêter ses 45 ans (création le 1er août 1979 sous sa forme juridique actuelle). Le temps pour un point sur l’évolution des structures de conseils de ce type ces dernières décennies.
La responsabilité est la contrepartie indispensable du pouvoir que détient toute personne ou toute institution. Le pouvoir est la faculté pour quelqu’un d’imposer sa volonté à un autre. Il est lié à l’idée de contrainte. La responsabilité consiste à reconnaître que lorsque cette volonté a été imposée dans des conditions mauvaises, il est normal et indispensable qu’une sanction puisse intervenir.
Pouvoir et responsabilité ont toujours été intimement liés dans le fonctionnement efficace d’institutions car ce sont les deux facettes de l’autorité : l’une étant la contrepartie naturelle de l’autre.
Chaque fois qu’il y a eu des disjonctions entre la notion de pouvoir et celle de responsabilité, c’est une période particulièrement préoccupante qui a alors vu le jour. Or dans ce contexte, des difficultés sont apparues. La lisibilité de la règle de droit est de moins en moins évidente. Les précisions jurisprudentielles se bousculent. Les textes sont nombreux.
Dans ces circonstances, l’opinion publique est mal dans sa peau et mal dans sa tête. Les hommes politiques ne sont plus des guides mais des chefs de rayons jugés au gré des sondages trimestriels. Cette opinion publique là est d’abord en mal de revanche. Sa vie est difficile. La pauvreté et les formes de précarité la guettent. L’exclusion parait possible à chaque instant. Les élites se servent et échapperaient, elles, à la pauvreté, à la précarité et à l’exclusion.
Dans ce contexte, la machine à sanctionner est mise en marche. Sans modification rapide, elle broiera tout sur son passage. La révolte permanente gagne en permanence une cible nouvelle. La décentralisation sous sa forme actuelle contribue à ce climat. Dans de très nombreuses Communes de petite taille, les décisions ont perdu de leur impartialité car, derrière chaque décision, est immédiatement identifiable un nom. La décision d’urbanisme semble ne pas concerner les données techniques d’un foncier mais l’appréciation sur l’identité du propriétaire du foncier.
Sous ces deux risques, la déresponsabilisation et l’excessive personnalisation d’une décision, la décentralisation française rencontre deux immenses dangers. Ces dangers sont tels qu’ils peuvent à terme gravement impacter la relation entre les citoyens et la décentralisation. Il suffit de constater le développement des remarques des citoyens sur ces deux dangers pour avoir la juste perception de cette situation.
Au cours des années, est apparu puis semble s’être consolidé un véritable «pouvoir administratif» en marge des pouvoirs constitutionnels, des collectivités et des citoyens. Cette question est paradoxale et fondamentale? Paradoxale, car l’administration est une activité subordonnée en ce sens qu’elle ne s’assigne pas elle-même ses propres fins. En effet, le propre de l’administration, ensemble des services, des collectivités locales et des services publics, est de ne pas être l’esprit d’une collectivité mais le bras dans l’application quotidienne des mesures arrêtées par le pouvoir politique.
Fondamentale, car le visage d’une collectivité ne dépend pas tant des idéaux définis par les politiques que de la façon dont l’administration les fait passer dans la vie.
C’est à travers elle que le citoyen appréhende la collectivité ; c’est en fonction de la façon dont elle s’acquitte de sa mission qu’il le juge. L’élu local considère l’administration comme un parapluie. Il dément rarement les impressions des citoyens au sujet de l’administration. Celle-ci est souvent le bouc émissaire masquant les défaillances du politique. Les élus entendent souvent échapper à la sanction populaire en se retranchant derrière les services, « monstres sans tête » supposés d’une grande indocilité. Ce parti de la «défausse» est un vrai fossoyeur de la démocratie. Il trouble exagérément le jeu et conduit à un grave rejet global. Nous devons refuser cette logique.
Dans la déprime nationale des alternances sans succès, les collectivités locales ont été longtemps les refuges de l’espoir d’une nouvelle vie publique.
Cette étape est finie. L’urbanisme est l’un des échecs contribuant à cette crise de plus. Il suffit de constater le fossé entre les débats des premiers SDAU et ceux des actuels PLUi. Les premiers concernaient un débat sur des visions de devenirs de territoires. Les seconds sont devenus des monstruosités technocratiques de règles toutes plus opaques les unes que les autres. L’urbanisme n’appartient plus aux citoyens, voire même dans de nombreux endroits, il n’appartient plus aux élus locaux.
C’est devenu la caricature de la décentralisation des dangers.
Denis Bonzy
Ancien Président de l’AURG