Henri Guaino cherche à redéfinir à juste titre la place des religions dans la vie publique Française
Henri Guaino et d'autres Conseillers du Chef de l'Etat ont légitimement ouvert un chantier d'une extrême importance : la redéfinition de la place des religions dans notre société. C'est la bataille du sens, un véritable enjeu de civilisation.
Aborder la question de la place des religions dans notre pays, c'est poser une question essentielle qui est celle du contenu même de notre civilisation.
Nous appartenons à la civilisation occidentale. Elle se définit par 4 repères :
* une appartenance géographique. Elle est certes imprécise. Elle n'a pas d'unité. Elle ne peut se réduire à la présence de la race blanche. Mais il est certain que globalement cette géographie concerne principalement des territoires liés aux zones de présence ou d?influence des peuples latins, anglo-saxons, germaniques et slaves.
* un héritage spirituel certes divers mais constitué par plusieurs couches principales. La civilisation gréco-romaine qui a légué l'aspect universaliste. La tradition chrétienne qui a introduit la meilleure prise en considération de l'homme et la notion d'égalité de tous les hommes devant Dieu.
* une communauté de systèmes économiques et techniques progressivement harmonisés. L'implantation du capitalisme ne suffit pas à introduire la civilisation occidentale. Le Japon est l'un des exemples. Mais, à héritage spirituel commun, cette communauté économique a considérablement progressé ces dernières années.
* une parenté des vies institutionnelles. Cette civilisation est marquée par des régimes démocratiques. Là aussi, des différences existent (régime présidentiel, parlementaire?). Mais globalement, cette civilisation a marqué une avancée indiscutable des règles démocratiques.
Ainsi, progressivement, un monde ouvert, véhiculant une certaine unité d'habitudes de vies et de pensées s'est constitué.
Ce monde paraît aujourd'hui une réalité menacée.
Cette menace est multiple. Cette civilisation occidentale se heurte des civilisations accordant une large place à des croyances religieuses qui contestent fortement la capacité de cette civilisation à incarner le progrès.
C'est une terrible défaite et c'est surtout le début d'un lourd handicap.
C'est une terrible défaite, parce que, par assimilation au monde américain, anticolonialiste par tradition, cette civilisation est aujourd'hui perçue comme impérialiste, égoïste et arrogante.
C'est le début d'un lourd handicap, parce que de telles caractéristiques font de cette civilisation un adversaire pour des peuples qui hier voulaient s'émanciper et qui aujourd'hui veulent affirmer tout simplement la priorité de leurs propres références spirituelles. Ces deux volets amènent une terrible fragilisation de la civilisation occidentale.
L'Occident éprouve aujourd'hui des difficultés pour se présenter comme le seul champion des grands idéaux de justice et de liberté dont il s'est traditionnellement voulu le gardien.
Si l'on considère l'histoire moderne du monde occidental, on est frappé de constater l'originalité de la présente période. Jusqu'à la 1ère guerre mondiale, l'Europe a été une terre d'optimisme et de confiance absolue. Puis, de 1920 à la fin du 20ème siècle, elle a détruit ses croyances traditionnelles dans une sorte de logique d'auto-destruction. Au terme de ce processus, cette civilisation est frappée par un profond désespoir.
C'est une période pendant laquelle la civilisation occidentale a perdu ses repères spirituels.
Elle doit les retrouver et réaffirmer ses priorités sans arrogance mais sans faiblesse. Réaffirmer par exemple sa logique de laïcité, l'ensemble de son système de valeurs dont la place limitée des religions qui peuvent être contestées et qui n'ont en aucune manière vocation à s'imposer à la société étatique.
Cette logique du sens doit redevenir notre cadre familier. Le Conseiller du Chef de l'Etat a raison d'ouvrir ce chantier qui est décisif pour le devenir même de notre avenir.