Le retour d'Alain Juppé
L'élection d'Alain Juppé dès le 1er tour de l'élection municipale de Bordeaux marque un retour doté d'une indiscutable originalité.
Bernanos prophétisait "on ne refera pas la France par les élites. On la refera par la base".
C'est en acceptant la base qu'Alain Juppé a échappé à un terrible jeu de massacre frappant les leaders nationaux de la droite.
Sa campagne municipale de mars 2008 se définit d'abord par ce qu'elle n'est pas :
* elle ne crée pas d'évènement,
* elle n'accélère pas des initiatives majeures susceptibles de faire des coups nationaux,
* elle ne réunit rien qui puisse "faire vibrer" les Bordelais et encore moins à l'extérieur de Bordeaux.
C'est la proximité de terrain qui communique.
Mais bien au-delà de ce particularisme, la campagne de Bordeaux peut porter des enseignements pour toutes les prochaines élections locales.
C'est désormais le terrain qui communique.
La campagne électorale est davantage une campagne d'information voire même de relations publiques qu'une campagne de publicité.
La campagne d'information vise à rendre compte dans le détail des actions conduites ou à conduire.
C'est la référence explicative permanente sur le quotidien de proximité.
La campagne de relations publiques, c'est la rencontre organisée avec des auditoires segmentés permettant l'échange sur des thèmes précis.
Cette logique marque une inversion totale des approches classiques hier dominées par la publicité et complétées par l'information et les relations publiques.
Sous cet angle la campagne de Bordeaux peut techniquement intéresser bien au-delà de Bordeaux.
L'élection de Bordeaux montre que les campagnes deviennent, à l'exemple de ce qui est vécu de longue date aux Etats-Unis, une séquence de temps dont l'essentiel consiste à identifier la question à laquelle les électeurs entendront répondre le jour du vote.
Ce sont des campagnes à enjeu.
Donc des démarches très simplificatrices avec un électorat qui hésite le plus longtemps possible avant de se fixer.
Enfin, si rejet il y a d'une certaine communication présidentielle, il ne s'agit pas d'une "rupture idéologique" conduisant à l'émergence d'une nouvelle mode de la gauche.
La gauche ne perce pas dès qu'elle incarne des repères dogmatiques intransigeants et déconnectés de la réalité implacable.
Elle se met alors en "hors jeu politique".
Là aussi, le grand succès d'Alain Juppé a été de placer son concurrent socialiste dans cette impasse du leader dogmatique.
A l'opposé des leaders dogmatiques, il importe de rencontrer le maximum d'électeurs, d'être parmi eux, avec eux.
Le candidat doit veiller à se fixer comme 1er objectif de rencontrer le plus grand nombre d'électeurs.
A l'intérieur même de cet objectif, il s'agit de rencontrer le maximum d'électeurs indécis.
Dans certains pays (USA, GB), des experts vont jusqu'à modéliser cette étape en affectant un barême de points à des catégories électorales et en recherchant les territoires où le candidat peut les croiser.
Car la réussite consiste à concilier deux objectifs pratiques : mobiliser ses électeurs favorables et déplacer des électeurs indécis.
Il y a peu de chances que des électeurs défavorables se dérangent dans le seul but de voir un candidat pour lequel ils ne vont pas voter. Il faut donc aller à la rencontre des citoyens. C'est la clef de la réélection d'Alain Juppé.