Christine Albanel crucifie l'information institutionnelle
Des raccourcis dans le temps produisent des effets explosifs. C'est le cas du débat sur l'encadrement d'Internet et la décision de TF1 concernant l'un de ses collaborateurs.
L'information en France est malade. Si cette maladie est quasi généralisée, elle frappe maintenant tout particulièrement les médias institutionnels.
Les ventes de la presse écrite sont en forte et permanente régression.
Bien davantage, des maux profonds affectent l'utilité même de ces supports.
Premier travers, la presse quotidienne, y compris la presse régionale, est devenue davantage une presse d'opinion que d'information.
Elle a une coloration de plus en plus partisane. Elle s'intéresse davantage à interpréter les faits qu'à en rapporter le détail. Elle donne ainsi une place très importante au subjectif.
Hier, seuls les éditoriaux étaient censés laisser une grande part à l'opinion. Aujourd'hui, presque chaque article comporte tellement de commentaires subjectifs qu'un journal semble composé d'éditoriaux généralisés.
Cette approche est très " exclusive ".
Tous ceux qui ne se retrouvent pas dans cette interprétation généralisée décrochent rapidement.
Bien davantage, ils se sentent agressés car ce n'est pas ce qu'ils attendent de ce produit d'information. Le journal quotidien devient un outil de raisonnement alors qu'il devrait être d'abord l'outil du droit du public de savoir.
La priorité ne devrait pas être donnée à l'interprétation mais à la vérité des faits. Le journaliste, y compris le localier, est ainsi devenu un " intellectuel " qui conceptualise tout y compris la plus insignifiante foire locale alors qu'il devrait être d'abord un détective vigilant de la vérité des faits : chiffres sur les personnes présentes, comparaison des fréquentations d'une année sur l'autre, détail des déclarations des personnalités comme du temps passéââ¬Â¦
Cette confusion des rôles fait naître de nouveaux espaces d'informations.
La télévision pouvait les occuper. Mais dès que le secteur privé semble rejoindre le secteur public par affinité, c'est l'ensemble de ce médium qui est fragilisé.
Toute l'histoire de l'information en France a été traditionnellement dominée par plusieurs traits caractéristiques :
- avant 1945, les chaînes de radios privées étaient autorisées à côté des chaînes publiques appartenant à l'Etat,
- de 1945 à 1982 a été appliqué le strict monopole d'Etat sur les radios en dehors de radios privées qui couvraient le territoire français à condition de placer leurs émetteurs à l'étranger,
- pour l'audiovisuel, le monopole d'Etat était rigoureusement respecté.
Pendant longtemps, le discours politique français exprimait officiellement que la télévision était un service d'intérêt public comme la poste ou le téléphone.
Il faut attendre 1982 pour que le monopole d'Etat soit aboli. Mais dans les faits, les relations entre pouvoir politique et médias télévisés semblent encore très étroits.
"L'affaire Albanel" constitue une terrible régression même si les faits devaient être moins établis. Qu'un tel schéma relève du possible, c'est une forme de déstabilisation de tout le système Français d'information qui s'éloigne excessivement d'une logique de contrepouvoir.