Dominique de Villepin et le besoin de noblesse
Dominique de Villepin s'annonce comme le grand bénéficiaire d'une nouvelle histoire construite presque autant par l'opinion que par lui. Trois opérations pour partie involontaires de constructions viennent de se dérouler sous nos yeux et changent les fondamentaux de la donne pour 2012.
Au départ, tout devait être réuni pour rayer des cadres politiques Dominique de Villepin. Mais chaque épreuve le renforce.
Première étape : Clearstream. Il était supposé en sortir coupable et laminé. Il en sort innocent et lion. Cette évocation du lion est celle du courage, de celui qui défend sa famille.
Seconde étape : les visites sur le terrain. Il devait soit ne pas les livrer soit en sortir plus technocrate que jamais c'est à dire froid, lointain.
Il va sur le terrain, apparait humble et proche, technocrack (et non pas technocrate) qui connaît les détails techniques mais intègre la dimension humaine. Les images du salon de l'Agriculture marquent. Les Français aiment les paysans car ils savent que c'est leur histoire personnelle, leur ancrage historique. Les paysans devaient être les "chouchous" de la rhétorique de Sarkozy : la France qui se lève tôt, celle des propriétaires, le labeur, la liberté de l'entrepreneur indépendant. S'éloigner des paysans c'est perdre le socle rhétorique de 2007.
Troisième étape : la bassesse des régionales : insultes, pas de projets, fichiers personnels lancés sur la place publique sur des bases erronées ... Bref, une image de "sale politique" qui contrarie là aussi le patrimoine classique des Français habitués à s'en remettre à l'Etat donc à la qualité de ses représentants. Les régionales vont laisser un goût amer et un besoin de noblesse comme retour à la dignité, à l'élévation.
C'est ce dernier volet qui sera peut-être le plus intéressant à court terme comme retournement dans la rhétorique populaire. Etait-il possible d'élire un "de" en temps de crise ? Quand le peuple peine pour ses fins de mois, pouvait-il s'en remettre à l'imaginaire d'une particule supposé épargner son titulaire des épreuves "ordinaires" ? Ce n'était pas évident au départ.
Pendant longtemps, un "Dominique Villepin" aurait été plus facile à défendre qu'un "Dominique de Villepin". Seulement voilà, derrière le mot même de "noblesse" il y a plusieurs acceptions. Les Français veulent rendre les lettres de noblesse à leur vie publique, lui rendre de l'élévation. Une fois de plus, l'handicap supposé devient qualité.
Ces évolutions correspondent à l'évolution de la grille de lecture de l'opinion qui veut voir dans le parcours de Dominique de Villepin la "belle histoire" que l'opinion attend.
Son parcours est beau aux yeux de ceux qui le regardent. Son tempérament devient beau aux yeux de ceux qui le regardent.
En 2007, Nicolas Sarkozy a bénéficié de ce phénomène. Il incarnait l'énergie, le rebelle face aux pouvoirs habituels. Il était le changement dans l'univers bloqué de la politique. Ce fut le creuset de sa victoire.
Mais, maintenant, l'opinion se retourne. Elle change ses attentes, ses repères. Elle crée un besoin de nouveau sens.
Dans ces circonstances, une nouvelle poussée de Dominique de Villepin dans les sondages parait probable. Il a atteint le seuil des 10 %, ce qui est déjà un exploit. S'il devait progresser significativement, il pourrait alors compter sur une dynamique auto-entretenue qui rend encore plus séduisant celui que l'opinion fait progresser.
A données constantes, il se rapproche techniquement beaucoup de cette vague porteuse.