Martine Aubry et les deux batailles perdues
Martine Aubry et ses concurrents du PS sont en passe de perdre deux batailles majeures faute de les livrer : la bataille de la modernité et celle de leur propre bilan de 2007 à 2012.
La primaire PS n'est pas le champ de définition d'un nouveau contenu à la notion de modernité
Depuis le début des années 90, on assiste à une relation très différente avec le thème de la modernité. Pendant des décennies, la modernité était la garantie d'évoluer vers le meilleur. Ce n'est désormais plus le cas. Bien davantage, c'est presque l'assurance d'évoluer vers le pire ; d'où l'émergence d'une forte résistance à la modernité.
La réforme suppose de réconcilier les Français avec la modernité.
Le levier de cette réconciliation réside dans la réaffirmation que la modernité n'est pas la précarité généralisée. L'opinion publique a aujourd'hui le sentiment que dans l'échelle des risques tous les "périls" ont gagné en gravité.
Dans le même temps, face à des risques plus graves, plus imprévisibles voire même plus inconnus, le filet social est de moins en moins solide.
C'est ce rapport entre l'aggravation des risques et la solitude individuelle qui crée des réflexes anxiogènes.
Le changement ne redeviendra acceptable que s'il signifie moins de risque individuel face à des règles sociales plus claires.
Si le changement s'identifie à cette évolution, il deviendra acceptable. S'il s'éloigne de ces repères, il sera trop craint pour être accepté.
A ne pas livrer la bataille de la définition de la modernité, Martine Aubry et les candidats du PS risquent de ne pas pouvoir capitaliser le besoin de changement faute de contenu concret derrière cette valeur.
La seconde bataille perdue actuellement est celle du bilan du PS.
Changer, ce n'est pas seulement parler que de l'avenir. C'est aussi livrer la bataille du bilan.
Cette bataille concerne bien entendu celles et ceux qui ont exercé le pouvoir.
Elle concerne aussi ceux qui ont été dans l'opposition :
Pourquoi n'ont-ils pas effectué davantage de propositions ?
Pourquoi ont-ils voté avec la majorité tant de décisions ?
Pourquoi présentent-ils désormais telle proposition qu'ils ont refusé hier ?
Enfin, parce que les élus ne sont plus considérés comme crédibles pour décider seuls des grands choix de l'avenir, les citoyens aspirent à être plus souvent consultés. Ils se positionnent de plus en plus souvent en contre-pouvoir permanent de leurs propres représentants.
Changer, c'est aussi apparaître le facteur d'une réappropriation du pouvoir par les citoyens. Sous ces nouveaux visages, le changement redeviendra séducteur et le parti politique qui le porte.
Sur tous ces points, l'actuelle primaire ne permet pas de faire bouger les frontières et d'ouvrir un autre univers qui fasse du candidat du PS un porteur d'espoir.