Martine Aubry gagne largement
Le premier débat d'hier soir constitue une première étape importante dans la sélection.
9 enseignements pratiques se dégagent :
1) Martine Aubry est celle qui a le mieux renforcé sa stature présidentielle. Trois acquis ont été confortés :
- son statut de "patronne du PS" : elle en avait le ton, l'affirmation "évidente" dans sa tête comme dans l'esprit de ses concurrents,
- la "dame des 35 heures" a renoué avec le pragmatisme en modérant ses engagements fermes pour reconnaître une place nouvelle aux faits,
- la leader de gauche a conforté la gauche mais sans en être prisonnière.
Elle a dégagé une forme globale de solidité qui rassure : la fermeté dans une apparence "enrobée" avec une tenue remarquablement choisie, simple sans être ordinaire.
2) François Hollande a manifestement voulu tourner la page du "mou" d'où un changement de ton permanent avec des regards volontaires mais des sourires parfois captés par les caméras à des moments peu opportuns.
Sur le fond, il est apparu brouillon, long, cherchant à recycler des formules faciles. Il n'a pas honoré son statut de leader des primaires donné par les sondages. Il sort affaibli du débat.
3) Ségolène Royal a été décevante. Sa difficulté a sortir du texte qu'elle cherchait des yeux. Mais surtout, cette candidate a perdu sa "fraîcheur" : quoi de neuf en 2011 ? Elle semble avoir laissé toutes ses forces en 2007. Sa référence locale n'impacte pas : Poitou-Charentes ne peut pas faire rêver les Français. Peut-être à tort mais c'est un constat. Par conséquent, Ségolène Royal paraît décalée à l'exemple de sa tenue qui lui donnait un côté très bourgeoise psycho-rigide.
4) Pour les autres candidats, leur affirmation a été impossible :
- Baylet donnait le sentiment du "pourquoi pas moi ?". Puisque la primaire est ouverte à tous, Baylet a déposé sa candidature mais il ne dégage ni la conviction ni la dimension,
- Montebourg ne se détache pas d'un double piège : cette assurance qui voisine l'apparence d'un contentement de soi qui gêne dans de telles circonstances et la sortie excessive du "politiquement correct" qui plombe ses propositions perçues comme non réalistes,
- Valls avait un ton haché qui, ajouté au regard sombre, a dégagé une sorte d'agressivité à peine freinée par le sourire qui donnait le sentiment de vouloir "mettre les formes" dans le rejet des autres candidats.
Aucun d'entre eux n'a trouvé le fond et la forme pour bénéficier de la curiosité de base pour émerger comme nouveau challenger.
5) Le format de l'émission était bien équilibré.
6) Il reste du travail pour gagner la stature présidentielle définitive. C'est toute la question du timing de la primaire PS. Elle aurait dû être bouclée avant la coupure d'été pour permettre ensuite la respiration (donc la cicatrisation) et la construction de la stature présidentielle du candidat retenu.
7) Les candidats ont eu des espaces restreints parce qu'ils refusent d'accepter la logique du débat contradictoire : s'opposer. Ce faisant, ils tombent dans un autre piège : s'ils ne s'opposent pas c'est qu'ils ne sont pas différents. S'ils ne sont pas différents, pourquoi sont-ils aussi nombreux à être candidats ? De simples ambitions personnelles ?
8) La comparaison avec Nicolas Sarkozy dans les circonstances actuelles montre que la présidentielle reste ouverte dans la dernière ligne droite. L'impact DSK a fait perdre au PS le seul candidat qui avait déjà construit sa dimension présidentielle.
9) Le prochain débat devrait être plus animé sinon les candidats autres que Martine Aubry et François Hollande vont vivre une marginalisation accélérée.