François Bayrou rencontre le "nouveau citoyen"
Le succès du leader UDF est d'abord l'annonce de l'émergence d'un nouveau citoyen qui veut casser un système dont il s'estime victime.
Un citoyen a des repères simples qui fondent ses actes civiques. Il a besoin de considération. Il sait que la qualité de citoyen lui donne des droits importants dans un régime démocratique. Il se positionne en appartenance à un groupe. Il entend être le garant d'enjeux collectifs qui font sa conscience du moment.
La recherche d'appartenance à un groupe a longtemps privilégié une place importante aux partis politiques. Ces derniers modelaient même parfois la vision qu'un citoyen peut avoir de la réalité et guidaient fortement ses intentions de votes.
Ce rapport à un parti politique avait des conséquences nombreuses :
il révélait une appartenance forte voire même militante,
le parti "mettait de l'ordre" dans les préférences des citoyens concernés et surtout hiérarchisait des priorités.
Le parti politique était donc un simplificateur de comportements.
Ce critère d'appartenance a été fragilisé pour deux raisons. D'une part, les partis politiques ont perdu en qualité de référence. Leur statut s'est beaucoup désacralisé sous l'influence de nombreux facteurs.
Mais surtout, la désappartenance à un groupe politique est non seulement le résultat de la baisse de l'image de marque des partis mais l' l'affirmation d'une culture politique personnelle qui équivaut à la revendication d'un certain épanouissement intellectuel.
Sur le fond, les citoyens ont gagné en connaissance individuelle des dossiers. Ils sont de plus en plus connaisseurs de questions. Ils se constituent donc en conséquence une opinion et ensuite seulement ils cherchent à voter pour un candidat qui partage leur point de vue.
Le "citoyen idéologue ou militant" est donc de moins en moins présent. La fidélité aux partis politiques a fondu comme neige au soleil. Elle est désormais totalement dépendante de l'action du parti tout particulièrement quand celui-ci est en charge des responsabilités du pouvoir.
Cette évolution explique les mouvements importants de blocs de voix passant d'un camp politique à un autre au gré des circonstances.
L'étape suivante consiste donc à définir les circonstances de nature à justifier des modifications de comportement électoral. S'agit-il de questions de fond ou de sujets d'actualité ?
La règle constatée par les études conduites sur ce sujet est celle de la primauté des sujets d'actualité.
Pour qu'une question de fond prenne plus d'influence qu'un sujet d'actualité, il faut deux critères cumulatifs :
* d'une part, qu'il s'agisse d'une vague de fond relative à un réel dossier d'une ampleur considérable (guerre, privations économiques exceptionnelles ...),
* mais surtout d'autre part que l'un des candidats ait des positions clivantes éloignées des priorités collectives consensuelles, si elles existent.
En d'autres termes, si la question de fond appelle des réponses assez proches de la part des deux candidats, l'électorat retourne à des sujets d'actualité.
Par conséquent, la règle très installée est celle de la primauté des questions d'actualité. Or l'actualité semble aller au rejet des systèmes pour installer une nouvelle République. Ce changement en douceur est actuellement incarné par Bayrou qui a vécu 5 ans en dehors des systèmes et qui pourrait capitaliser ce parcours initiatique singulier.
Le positionnement de Sarkozy et surtout celui de Royal lui ouvrent un espace. Il en profite avec efficacité. Sa popularité actuelle traduit sa rencontre avec le nouveau citoyen.