Dominique de Villepin : une double course poursuite (Edito 05)

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Depuis l'origine, la politique est l'art de la transformation. Il est question de transformer des mécontentements en votes d'espoir, des aspirations collectives diffuses en visions claires de société? A maints égards, la politique paraît donc s'assimiler à l'art ancien qu'était l'alchimie.

Etre ou ne pas être candidat

La vie politique française vit désormais ouvertement au rythme de la prochaine élection présidentielle. Ce climat va rappeler , si besoin était, combien l'acte de candidature est décisif. L'instant où le candidat se décide est un instant redoutable de vérité. Il suppose un point implacable de tous les facteurs en jeu et tout particulièrement des facteurs les plus personnels. C'est un instant d'autant plus important que l'homme public n'est plus perçu pareillement selon qu'il est ou qu'il n'est pas candidat.

Le challenger gagne en notoriété voire en crédibilité puisqu'il devient un potentiel décideur de premier plan. Le sortant se banalise puisqu'il devient un potentiel sorti. S'ouvre alors une période pleine de rebondissements et d'incertitude pendant laquelle personne n'est à l'abri d'étonnantes surprises. Toutes les dernières élections présidentielles ont montré que la photographie des enquêtes pré-scrutins se sont avérées très éloignées du résultat final.

"L'apparition en surface de la nature profonde des êtres"

Le galop d'essai pré-électoral comme la déclaration de candidature constituent des étapes décisives dans la reconnaissance d'un style qui dominera ou pas l'élection. Valéry Giscard d'Estaing a écrit à ce sujet "le style n'est pas une apparence. C'est l'apparition en surface de la nature profonde des êtres et des choses".

Nous vivons une période où le style n'est plus seulement constitué par un ou des actes symboliques forts. Il résulte davantage d'une accumulation de signes véhiculés par les médias. Les citoyens ne se contentent pas de quelques photos souvenirs chargées d'émotion. Ils veulent un vrai album photos.

Là réside à la fois la faiblesse et la force de Dominique de Villepin. Il a pris du retard sur certains de ses concurrents tant à droite qu'à gauche. Puisqu'il en est ainsi, il peut probablement composer avec soin cet album photos. Dans la course à la Présidentielle de 2007, 5 espaces politiques existent.

Nicolas Sarkozy occupe déjà l'espace du "grand vent libéral" d'une France débridée, décomplexée, enfin entreprenante qui libère ses atouts pour partir à l'assaut de la modernité.

La France sociale-démocrate doit se retrouver avec Dominique Strauss-Kahn ou François Hollande. C'est une gauche moderniste qui croit à l'international et au changement.

Depuis le référendum sur l'Europe, la gauche dirigiste est en train de trouver son leader : Laurent Fabius. Plus nationale, toujours respectueuse d'une logique d'affrontement de classes sociales, cette gauche cherche à rassembler aussi, non sans paradoxe d'ailleurs, l'extrême gauche utopiste.

Les droites orphelines

Face à ces trois camps en ordre de représentation, il y a deux droites orphelines.

La droite d'ordre (nationalisme, autorité, anti-politicienne) qui est de fait à la recherche d'un nouveau leader. Longtemps incarnée par JM Le Pen, elle sait que "l'âge du capitaine" s'apprête à affaiblir sa représentation alors même que, dans le pays, son terrain est plus large qu'auparavant.

La droite bonapartiste est elle aussi à la recherche d'un chef. J. Chirac a été son représentant. Philippe Seguin a longtemps été son inspirateur le plus actif. Alain Juppé a involontairement représenté son côté technocratique peu populaire. Dominique de Villepin réunit toutes les qualités pour rassembler ces orphelins.

Pour cela, sa marge de manoeuvre est limitée. Cette droite aime un chef qui parle au coeur et aux "tripes". Ils attendent de la hauteur de vue, un charisme certain. Ils aiment l'action. Cet espace est aujourd'hui libre. Il attend un occupant. Il reste à savoir si cet espace permet d'être au rendez-vous d'une élection. Il assure d'être candidat mais permet-il d'être élu ? Des mentalités se sont progressivement dégagées avec des attentes claires.

Un jeu ouvert

Ce qui laisse ouvert le jeu présidentiel à ce jour, c'est que la carte politique classique préalablement présentée ne correspond pas à la carte sociologique actuelle. Encore plus précisément, il n'y a pas de majorité politique sans réunification de groupes sociologiques à ce jour distincts.

L'enjeu stratégique pour Dominique de Villepin consiste à bâtir son pouvoir d'évocation en se servant d'une base politique nécessaire mais en posant dés à présent des jalons pour lui ajouter d'autres strates. C'est le défi des prochains mois. Il doit asseoir sa légitimité incontestée auprès de sa base politique naturelle sans être prisonnier de cette base. C'est à ce prix que le second tour de l'élection présidentielle reste ouvert. Sa première course poursuite concerne N. Sarkozy. Sa seconde concerne la base sociologique de son électorat.

C'est probablement cette dernière qui est la plus importante.

  • Publié le 13 septembre 2005

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