Les difficultés de D. de Villepin (Edito 30)
Le climat politique national change. Il change dans des conditions étonnantes. Les faiblesses de la droite créent l'alternative de gauche. Chacun s'accorde à reconnaître que la gauche est toujours empêtrée dans des querelles internes profondes et sans programme clair rassembleur. Mais d'un seul coup, la droite semble lasser, inquiéter, bref passer de mode.
Le paysage politique actuel connaît des caractéristiques originales inédites sous la Vème République.
A près de 12 mois de l'élection présidentielle, c'est la 1ère fois qu'aucun titulaire des deux responsabilités de l'exécutif n'est pas encore en situation de postuler manifestement pour la prochaine élection présidentielle.
Dans l'esprit des Français, il est admis qu'une candidature du Président sortant n'est plus du ressort du possible. Pour autant, la candidature du Premier Ministre n'est pas acquise et loin s'en faut.
Le traumatisme d'avril 2002 n'a pas fait des victimes qu'à gauche. L'explosion des candidatures à droite (Le Pen, De Villiers, Bayrou) limite la crédibilité d'une primaire au sein même de l'UMP. Cette primaire est perçue comme de nature à faire encourir un réel risque de présence au second tour. Sous cet angle, peu de personnes imaginent que cette primaire puisse donc réellement intervenir.
Second fait inédit, parce que la candidature de Nicolas Sarkozy à l'élection présidentielle parait, elle, définitivement acquise, le paysage de droite peut connaître pour la 1ère fois sous la Vème République une absence de représentation du "gaullisme social".
Nicolas Sarkozy incarne une énergie libérale matinée d'un volontarisme sécuritaire. Là sont les trois thèmes forts de son pouvoir d'évocation : énergie, libéralisme, sécurité. Sur ces volets, il est assez proche du pouvoir d'évocation de J. Chirac lors de la Présidentielle de 1988. C'est un bon positionnement de 1er tour mais pour le second ? Qui va apporter la fonction socialement rassurante toujours attendue par les Français ?
Troisième nouveauté, la filiation du Premier Ministre avec le Chef de l'Etat n'est pas évacuée. L'émancipation via Matignon ne semble pas encore manifestement opérée. Le "Villepinisme" n'existe pas encore. C'est aussi une situation nouvelle que celle d'un Premier Ministre qui, à 12 mois d'une présidentielle, n'a pas rompu le lien avec un Président, a fortiori pas en situation d'être le "nouveau candidat".
En 1995, Lionel Jospin s'était détaché depuis longtemps du bilan de F. Mitterrand tout en ayant jamais été collaborateur aussi proche que D. De Villepin par rapport à J. Chirac. Cette proximité fait probablement remonter à C. de Gaulle et G. Pompidou, technocrate appelé par le Président sans passé électoral personnel. Mais avec les évènements de 1968 puis "l'appel de Rome" la séparation des parcours était devenue manifeste pour chaque citoyen.
Progressivement, ces situations inédites ne mènent-elles pas à une impasse ?
Un Premier Ministre qui ne peut se détacher d'un Président hors course et acquérir son existence propre.
Un leader du parti majoritaire qui ne peut se détacher du Gouvernement dont il est le numéro 2 ostentatoire pour ne pas parler de 1bis ?
Toute cette confusion ne permet pas le positionnement clair et indispensable d'un présidentiable.
Si cette confusion devait s'installer alors même que le bilan du Gouvernement sera mitigé et celui de la décennie de mandat présidentiel encore moins évident, ne va-t-elle pas handicaper les principaux candidats dans la préparation de leur propre profil présidentiel ?
Les difficultés de D. de Villepin ne résultent-elles pas d'abord du trouble manifeste ressenti par l'opinion publique qui n'est pas habituée à un positionnement aussi ambiguë dans la fonction d'un Premier Ministre qui ne serait ni candidat à la prochaine présidentielle ni leader naturel de la principale formation politique parlementaire.
A repousser cet enjeu de positionnement, c'est tout l'édifice qui risque d'être sérieusement déstabilisé et précarisé, selon un terme très utilisé ces derniers temps...