Cannes : Philippe Buerch voit dans les valeurs de la République le rempart face à la mondialisation
Après la venue d'Henri Guaino, le Président d'Agir, Me Philippe Buerch, nous réserve l'exclusivité d'une tribune sur le thème des valeurs de la République face à la mondialisation :
"La France souffre.
Les Français retiennent leur souffle. Ils se sentent menacés, confrontés à un nouveau monde avec des défis qui les interpellent en permanence.
Les plus jeunes sont angoissés comme si l’espoir ne pouvait désormais habiter qu’ailleurs.
Dans ces conditions, le fatalisme et la tristesse semblent s’installer. Peut-être même demain des formes inédites de colères violentes ?
La mondialisation et les crises qu’elle porte semblent ainsi avoir fait naître un changement d’âges déclassant notre pays, démoralisant notre nation, déstabilisant notre République, institutionnalisant la notion même de crise qui a désormais tout envahi : économie, social, relations internationales, politique, civisme.
Peut-être pour la première fois à ce point, personne n’est sûr que demain sera meilleur qu’aujourd’hui ?
Mais encore bien davantage, ce demain devient source d’anxiétés car il ne contient aucune prévisibilité rassurante. Chômage, terrorisme, garanties sociales menacées, sécurité alimentaire plus précaire, choc des valeurs religieuses… : tous ces termes sont le miroir de détresses, voire d’impasses.
Des détresses ou des impasses car les issues positives semblent systématiquement absentes. C’est d’ailleurs une caractéristique inhabituelle que de chercher ainsi des solutions sans les trouver qu’elles viennent du policier, du médecin, du père, du législateur, du prêtre, des économistes….
Apparemment pourtant, tout le monde connait bien les questions qu’il convient de poser.
Mais à chaque fois les réponses divergent.
Bien plus, bon nombre de ces réponses semblent sans prise sur la réalité. Chaque question en amène une nouvelle. Chaque nouvelle question donne l’impression d’ouvrir un chantier gigantesque, quasi-impossible à traiter. On a parfois envie de dire « arrêtez cette société, j’ai envie de débarquer. Comment a-t-il été possible d’en arriver là ? »
Comment en effet cette société qui a tant produit peut aboutir aujourd’hui à un héritage aussi lourd :
- une dette publique gigantesque,
- des services publics épuisés,
- une décentralisation désorganisée,
- des solidarités éclatées,
- des valeurs émiettées,
- même une planète au devenir menacé,
…
Dans chacun de ces domaines, la crise toujours plus grave semble notre voisine obligée du lendemain.
Si aux périodes heureuses, l’optimisme est un luxe, en temps de crise, c’est un devoir.
Les clivages politiques doivent céder devant l’ampleur de la tâche : sauver notre avenir collectif n’est pas une mission partisane mais une question de survie.
Il ne doit pas y avoir de place pour l’acceptation d‘une fatalité de l’échec.
D’abord, nous devons redéfinir le rôle de la politique. La mondialisation ne doit pas emporter notre conception de la République. Bien au contraire, elle doit faire naître une nouvelle offensive de notre conception de la République.
La politique ne doit pas être le lieu des affrontements vulgaires des carrières individuelles pour installer ensuite des pouvoirs impuissants face à la complexité des tâches qui serait découverte une fois assurée l’accession aux responsabilités du pouvoir.
Elle doit revenir aux sources : la passion des nouvelles conquêtes collectives.
Cette passion faite du romantisme de l’espoir, composée de la reconnaissance du rêve, enflammée par la force des nouvelles inventions.
La République ne doit pas être triste, punitive. Elle doit être le soleil dans les veines des citoyens.
Et pour qu’il y ait ce soleil, il faut des valeurs fortes, belles, généreuses, motivantes.
Dans le brouhaha des contestations, ce sont ces valeurs qui feront le socle de nos résistances comme le socle de nos victoires.
Ces valeurs vivent d’abord dans notre spiritualité.
Notre spiritualité est de tradition chrétienne. C’est le fondement de la place reconnue à la liberté des individus, à celle de l’égalité devant Dieu, à celle de l’universalité de la charité. Dans cette pensée, il y a une tension constante entre la liberté et l’ordre. Cette tension ne peut pas s’appuyer sur la liberté pour installer un ordre qui serait le reniement de nos valeurs, donc le reniement de chacun d’entre nous.
Cette spiritualité, nous devons l’assumer, la défendre, la promouvoir parce qu’elle porte le respect et l’avancée de notre collectivité.
L’amalgame de composants divers ou pire encore contradictoires ruine la construction progressive de ce qui fait notre propriété commune.
La force de notre spiritualité ne peut pas résider dans l’acceptation d’une faiblesse qui serait à terme destructrice.
Seconde urgence, nous devons rétablir une meilleure estime de soi au profit de notre Nation. La Révolution Française a inauguré la Res Publica. Un des principes fondamentaux est l’affirmation de l’individu et la culture d’un optimisme progressiste. Ces principes fondamentaux ont dépassé les seules frontières territoriales Françaises, portant alors une notion d’universalité.
A l’opposé de cette tradition, notre pays semble aujourd’hui non seulement replié sur ses propres frontières mais bien davantage confronté à une sorte de haine de la France à l’intérieur même de ses propres frontières.
La raison disparait du quotidien. La question n’est plus de savoir ce qui est juste ou vrai mais ce qui devient subjectivement possible.
Et ce subjectivement possible qui prime est alors systématiquement tiré vers le bas, vers le pire, vers le plus mauvais. Si la politique était un jeu, un grand nombre de compétiteurs donneraient le sentiment de mobiliser leur énergie d’abord à marquer des buts contre leur camp.
Cette mentalité est à l’opposé de l’héritage de la République. Et elle ne dépend pas de la mondialisation.
Elle est la négation de l’optimisme progressiste.
Cette contagion des mauvaises humeurs, des mentalités négatives produit jour après jour des effets néfastes.
Si dans nos entreprises, nous mettions en œuvre un tel discrédit ambiant généralisé, l’effondrement serait immédiat.
Dans la vie publique, l’effondrement est reporté. Mais il est enclenché.
Il semble tellement enclenché que des attaques nouvelles donnent l’impression de frapper un « ennemi » déjà à terre. C’est ce sentiment qui m’anime quand je constate avec effroi le rejet du patriotisme, les insultes à l’hymne national, l’indifférence face au drapeau.
Comment éviter que cette haine de la France ne s’installe aussi irrémédiablement ?
Comment éviter que l’irréalisme puisse ainsi se creuser entre une partie de la représentation politique et le pays réel qui entreprend, qui commerce, qui invente, qui s’active, qui lutte contre les tumultes, qui combat ce pessimisme ambiant ?
Comment lutter contre ces affronts aux plus beaux symboles de notre République ?
Enfin, comment rendre à la vérité la place dans le débat public qu’elle n’aurait jamais dû quitter ?
Les idéaux donnent du sens. Mais la vérité donne du contenu.
Comment expliquer que les chiffres publics soient en permanence suspects depuis la moindre manifestation jusqu’aux statistiques de la délinquance en passant par les chiffres du chômage ?
Il peut y avoir du narcissisme, de la manipulation, de la coquetterie. Mais l’explication des faits est sapée en permanence par le doute, par le sentiment d’être piégé.
Un doute qui ouvre la voie à des interprétations les plus redoutables : la force des corporatismes, les surenchères des politiques à la quête permanente de voix, des puissances obscures qui tiendraient la réalité des pouvoirs …
De façon surprenante, en France, le pire est souvent évoqué mais il n’est jamais assuré parce que notre pays a une formidable capacité de rebond.
Il y a un moment où la Nation fait appel à sa vitalité historique.
C’est le probable défi essentiel de l’actuelle période.
La majorité présidentielle actuelle est à contre-sens culturel.
Elle passe dramatiquement à côté de l’immensité de ses responsabilités collectives qui ne peuvent être réduites aux équilibres de tendances d’un parti politique.
L’actuel amateurisme est non seulement préjudiciable. Il est fait d’un pilotage à vue qui ignore l’accélération de l’Histoire, qui dénigre nos valeurs fondatrices, qui diminue la longévité et la portée de notre héritage culturel.
Or, préserver l’avenir est aujourd’hui notre premier enjeu d’avenir.
Il faut retrouver les termes modernes pour susciter des engagements.
La véritable nouveauté n’est pas de proposer aux citoyens de s’engager. C’est que les citoyens écoutent ces propositions.
Les informations sont très nombreuses. Les circuits d’informations sont de plus en plus divers, autonomes. L’influence réelle de chaque support est en déclin. Bien davantage, il y a un risque nouveau : les citoyens de plus en plus souvent sélectionnent l’information pour ne reconnaître que celles qui confortent leurs sentiments initiaux.
Il y a par ailleurs une scénarisation permanente qui relève davantage d’un voyeurisme que de la réflexion. C’est une caisse de résonnance qui consiste à organiser le bruit, le buzz et non pas à éclairer la raison.
Ce sont autant de raisons pour apporter de nombreuses modifications dans le débat républicain Français.
C’est ce que nous devons à notre pays, à sa belle Histoire, aux générations qui ont tant donné".
Cette contribution est à replacer dans le débat Cannois où l'opposition entre des profils très contrastés s'annonce.
L'association AGIR rassemble des personnes de sensibilités très différentes dont le poids pourrait être décisif dans cette compétition locale.
Par cette tribune, Philippe Buerch affirme sa volonté de se placer au niveau des valeurs et non pas des rivalités individuelles mais aussi d'annoncer, à ce titre, un engagement prochain fort.